23 août > Roman France > Philippe Vilain

Elle a 20 ans, lui presque le double. Elle est étudiante en lettres modernes, prépare un mémoire sur Romain Gary ; il est romancier, déjà désenchanté, son professeur et bientôt son amant. Elle se donne à lui avec la fougue un rien craintive des filles qui croient, qui veulent, que l’amour soit leur grande affaire. Elle s’appelle Emma Parker, est vaguement américaine et a un homme et une voiture, une Porsche rouge, qui ne sont pas de son âge. C’est l’été à Paris et les deux éprouvent la douceur des jours autant que des nuits, des étreintes et des promenades, des chambres ouvertes sur la ville et des salles obscures. C’est sur ce bonheur lascif que se déchire un soir le rideau d’Emma : elle est malade, un hématome dans le crâne, conséquence d’un vieil accident, le temps lui est irrémédiablement compté.

Tout le mérite de Philippe Vilain et de cette Fille à la voiture rouge est de ne jamais chercher à composer avec cet argument de mélodrame. Il l’assume avec une belle audace, en jouant et instillant peu à peu dans son récit des éléments plus obscurs qui auraient trait au mensonge et à la dissimulation. Et ce qui au début ressemble à une histoire d’amour, à un "fragment contemporain du discours amoureux", se transforme insensiblement en un roman à la grâce amère proprement chardonienne. En tout état de cause, après Paris l’après-midi, Pas son genre ou La femme infidèle (Grasset, 2006, 2011 et 2013), Philippe Vilain s’impose ici un peu plus comme le sismographe de ces solitudes urbaines que l’on appellera l’amour. O. M.

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