Francis Esménard à son bureau chez Albin Michel - Photo Olivier Dion
Francis Esménard (Albin Michel) : "Les choses sont aujourd’hui beaucoup plus compliquées pour le libraire"
La nouvelle librairie Albin Michel est inaugurée jeudi 16 novembre au 137, boulevard Raspail à Paris. Questions à Francis Esménard, petit-fils du fondateur et président d’Albin Michel.
Par
Sean Rose Créé le
15.11.2023
à 17h26, Mis à jour le 27.11.2023 à 09h23
Livres Hebdo : Vous aviez pignon sur rue boulevard Saint-Germain dans VIIe arrondissement de Paris, pourquoi avoir déménagé votre librairie dans le quartier de Montparnasse ?
Francis Esménard : Albin Michel y est installé depuis 1900. Nous sommes l’éditeur historique du quartier, nous avions publié les grands auteurs de Montparnasse, tels que Roland Dorgelès, Romain Rolland, Francis Carco… Alors mon rêve était d’y ouvrir une grande librairie, et là s’est présentée l’occasion extraordinaire d’être au carrefour Vavin et Raspail, presque à l’endroit de cette guinguette où toute la bohème se retrouvait dans les années 1920. De plus, nous avions des difficultés avec la librairie du boulevard Saint-Germain : le loyer était déjà très élevé, alors que ce n’est pas un endroit très passant, encore moins depuis que le ministère de la Défense a déménagé… Quand on a voulu doubler le loyer, cela m’a décidé à acheter les murs de ma librairie.
La façade de la librairie Albin Michel sur la rue Vavin- Photo OLIVIER DION
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Cette nouvelle adresse est-elle le signal d’une volonté de développement de l’activité de la librairie chez Albin Michel ?
Non, quand j’ai racheté des librairies de centre-ville, elles étaient toutes de taille moyenne comme l’ancienne librairie Loddé à Orléans ou récemment Nouvelles impressions à Dinard. On tourne ici à 2 millions de chiffre d’affaires, plutôt qu’à 10 millions. Rien à avoir avec le Hall du livre à Nancy, ou la librairie Kléber à Strasbourg. L’idée est de maintenir ouvertes des librairies au cœur des villes où les loyers sont devenus impossibles alors que, comme vous le savez, la marge des libraires est faible. C’est Vincent Monadé, président du CNL à l’époque, et lui-même ancien libraire, qui m’a poussé à franchir le pas en me disant : « Écoutez, Francis, Albin est une grande maison, faites quelque chose, c’est un crève-cœur toutes ces librairies moyennes de centre-ville qui sont en train de mourir ! »
le rayon littérature de la librairie Albin Michel- Photo OLIVIER DION
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N’êtes-vous pas au fond à contre-courant en renouant d’une certaine manière avec la tradition du libraire-éditeur ?
Non, je suis bien un éditeur de notre époque. Cela étant dit, on ferait bien de s’inspirer du libraire-éditeur ou relieur-éditeur qui s’occupaient de la production d’un livre, du manuscrit à sa fabrication et avec le souci de le vendre ! Car quel est le rôle de l’éditeur ? C’est bien de dénicher des jeunes talents, de fidéliser ses auteurs, et de les faire connaître ! Malheureusement, nous sommes dans un problème industriel de diffusion et de distribution qui fait que le libraire reçoit des livres qu’il n’a pas forcément commandés, et qu’il n’a pas forcément envie non plus de vendre. Avant, la promotion se faisait progressivement, l’éditeur avec le libraire et le libraire avec sa clientèle. Les choses sont aujourd’hui beaucoup plus compliquées pour le libraire, qui voit arriver une quantité de livres qu’il n’aura pas la possibilité d’écouler.
Librairie Albin Michel- Photo OLIVIER DION
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Allez-vous promouvoir particulièrement les auteurs maison ?
Nous serons une librairie généraliste, mais Amélie Nothomb sera la marraine de la librairie.
La façade de la librairie Albin Michel sur le boulevard Raspail.- Photo OLIVIER DION
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