Sauf quand on s’appelle George Sand, le prénom George est "normalement" masculin. Mais dès les premières lignes, le pronom personnel utilisé est "elle", donc on se dit que George est sans conteste une fille. Erreur, c’est bien un garçon ! Enfin, du moins c’est ce que tout le monde pense… A commencer par sa mère qui sait de quoi elle parle puisqu’elle l’a mis au monde et qu’elle a bien vu ce qu’il avait entre les jambes. Son grand frère lui aussi l’appelle "Frérot" et ne manque pas une occasion de glisser des allusions grivoises à de prétendues petites amoureuses du CM1.
Dans le plus grand secret et souvent dans la douleur, George se vit pourtant comme une fille. Dans son placard, elle a planqué des magazines pour les filles qui la font rêver et où il est question de bikinis, de problèmes de peau, de premiers baisers sur la bouche des garçons, et on en passe. Mais voilà que se trame à l’école un événement majeur qui pourrait bien changer la donne : une pièce de théâtre dont le rôle de Charlotte, bienfaitrice et subtile, est ardemment convoité par George. Il en a l’intime conviction, c’est le rôle de sa vie. L’occasion unique de jeter à la face du monde sa véritable identité. Pfff ! La maîtresse qui n’est pas encore initiée à la théorie du genre confie, comme il se doit, le rôle à une fille.
Heureusement, les romans ont de grands pouvoirs, notamment celui d’inverser le cours du destin. La question du transgenre s’invite ouvertement dans ce roman pudique et touchant. Histoire d’embrouiller les genres - grammaticaux cette fois -, Alex Gino, auteur transsexuel, parle de lui-elle en utilisant le pronom personnel "ils". Fabienne Jacob