Au Japon, c'est à partir des années 1970 qu'est arrivé de chez les « Yankees » le T-shirt, se souvient Haruki Murakami. Et encore, plutôt parmi les jeunes générations, et comme tenue décontractée. Murakami quant à lui n'avait pas attendu que la mode s'en empare pour les collectionner. Dans l'abécédaire idéal de l'auteur d'1Q84, c'est T comme T-shirt. Cette unique lettre est le titre de son nouveau livre où sa garde-robe à manches courtes raconte son propriétaire écrivain, coureur de fond et amateur de jazz. Un autoportrait façon puzzle qu'on reconstitue par l'habit. L'ouvrage ne suit pas un véritable plan, et tout le charme de ces pages tient à cet aspect aléatoire, nous procurant un plaisir semblable aux délices d'une discussion à bâtons rompus en bonne compagnie. La collection de Murakami n'est pas à entendre comme une entreprise de sélection avisée, elle est de l'ordre de l'accumulation : « Je ne possède pas de T-shirts particulièrement rares ou précieux d'un point de vue artistique. Je me suis donc contenté d'en choisir un certain nombre, ceux auxquels je tenais le plus. Je les ai photographiés et j'ai rédigé sur chacun d'eux un court article. » Murakami accumule car il déteste abandonner.
Son préféré est ce jaune où se lit « Tony Takitani House ». Mais il en a de toutes les couleurs, et aux motifs les plus divers : ours, iguane, superhéros... Il y a ceux qui affichent son goût pour certains aliments tel le hamburger (le T-shirt rouge avec le slogan « I put ketchup on my ketchup ») ou certaines boissons, comme les T-shirts aux logos de bière, ou de whisky. L'un de ses alcools de prédilection, surtout le très tourbé Laphroaig, originaire de l'île d'Islay. Murakami donne au passage la recette du twice up - le breuvage écossais non plus on the rocks, comme il le boit d'habitude, mais mélangé avec la même quantité d'eau de source écossaise. Faute de cette dernière, une eau minérale nippone fera l'affaire.
Chaque T-shirt est une carte postale qui lui renvoie du passé ce souvenir d'une remise de prix ici aux États-Unis, là en Islande, des lieux où il a enseigné comme Hawaï, ou encore d'un concert de Bruce Springsteen à plus de 800 dollars dans une petite salle de Broadway où il n'était qu'à quelques mètres de la rock star. L'éloge du T-shirt est celui de la simplicité, le vœu qu'on retienne de lui ce trait de caractère. Mais, il est en chemise ? ! s'étonne l'un de ses interviewers. Oui, mais en dessous, il porte un T-shirt.
T Traduit du japonais par Hélène Morita
Belfond
Tirage: 20 000 ex.
Prix: 24 € ; 192 p.
ISBN: 9782714497192