3 mai > Roman France > Jeanne Benameur

Dans son voyage au centre des solitudes intimes, Jeanne Benameur remonte de plus en plus près de la source, au matin du monde, à la nuit des temps. A sa manière, vibrante, mais dans une forme plus épurée et concentrée que jamais, la romancière livre un texte très bref, proche du conte, où les personnages - un enfant, son père, sa mère et sa grand-mère paternelle - n’ont pas de nom et pas plus que les lieux, stylisés, génériques : un village dans une campagne, une forêt autour, une rivière…

L’enfant qui est l’Enfant majuscule. Il est tous les enfants aussi bien. Mais c’est avant tout un enfant sans mère. Elle a disparu. Morte, partie, personne ne le sait. Cette mère pas comme les autres était "une étrangère", une "femme des routes" que le père, menuisier, avait suivie un jour de foire à la ville puis avait ramenée chez lui, aimanté par un désir aussi inexplicable qu’irrépressible qui l’a rendu fou, comme plus tard son absence.

Les liens de cette histoire sont tissés de peu de mots. Des chants, des cris - le langage du père pour exprimer sa douleur. Mais c’est surtout "la langue du corps de la mère" qui transmet les expériences, les leçons, "une langue du dessous des choses" qui ne s’enseigne pas, "qui va sa route de corps en corps, ne se donne que par le silence de la peau".

L’enfant qui observe l’élan permettant de se mettre en marche, seul. Cet appel archaïque qu’entend chacun des personnages. Pour l’enfant, ce sera vers la forêt, escorté et soutenu par un chien imaginaire, "le chien que personne ne voit". Avec pour seul bagage le souvenir des paroles rares de la mère et le désir de trouver cette "maison de l’à-pic", "une maison sage" au bord d’une falaise dont elle lui avait parlé.

A la fin du livre, la première personne remplace le tu, l’écrivaine s’approche du cœur, la destination de ce voyage en haute enfance. "Nous hésitons devant l’inconnu à l’intérieur de nous-mêmes. Depuis la disparition de notre mère, la confiance a du mal. Nous n’avons plus que notre enfance pour guide. Nous sommes tout en haut de nous-mêmes." Ce lieu secret où l’on peut retrouver les disparus en rêve. Véronique Rossignol

14.04 2017

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