Liberté d'expression

« Je défends un homme », proclame Me François Zimeray, l’avocat de Boualem Sansal

Jean-Michel Blanquer, Antoine Gallimard, François Zimeray et Kamel Daoud, le 11 décembre 2024 - Photo Olivier Dion

« Je défends un homme », proclame Me François Zimeray, l’avocat de Boualem Sansal

Alors que la situation judiciaire de Boualem Sansal s’aggrave, que ses avocats, algériens et français, n’ont pu le contacter, son éditeur Antoine Gallimard appelle à un vaste mouvement de soutien international et lance une souscription pour la défense de l’écrivain. Son avocat français, Maître François Zimeray, plaide contre ce qu’il appelle « le blocus de la pensée ».

Par Jean-Claude Perrier
Créé le 11.12.2024 à 22h26

« Nous sommes très inquiets pour notre ami Boualem Sansal », a déclaré Antoine Gallimard, en préambule de la conférence de presse organisée dans les locaux de sa maison d’édition, mercredi 11 décembre, avec Maître François Zimeray, l’avocat français chargé de la défense de l’écrivain, en binôme avec des avocats algériens.

Ce même jour, on a appris que Boualem Sansal, arrêté arbitrairement à son arrivée à l’aéroport d’Alger le 16 novembre dernier, et dont on est resté longtemps sans nouvelles, avait été transféré du pavillon pénitentiaire de l’hôpital Mustapha, à Alger, à la prison de Koléa, dans les environs de la capitale.

Antoine Gallimard et François Zimeray
Antoine Gallimard et François Zimeray - Photo OLIVIER DION

Jugé en son absence, son recours en appel de remise en liberté a été rejeté. Il est maintenu en détention, sous le coup de l’article 87 bis du Code pénal algérien, lequel punit les crimes contre « la sûreté, la sécurité et la stabilité de l’État ». Des délits passibles, en théorie, de la peine capitale, même si celle-ci n’a plus été appliquée dans le pays depuis 1993.

En dépit des accords bilatéraux entre la France et l’Algérie, signés en 1962, l’avocat n’a pas encore obtenu son visa pour se rendre en Algérie et rencontrer son client. Il l’espère dans les plus brefs délais. Pour le moment, selon les informations qui lui parviennent au compte-gouttes, Boualem Sansal serait plutôt en bonne santé, physique et morale. Mais c’est un homme de 75 ans.

Déni de justice

Ce sont clairement les opinions politiques assumées par l’écrivain franco-algérien, ses charges résolues contre l’Algérie des islamistes, son régime actuel, et le rôle du FLN dans sa « réécriture » de l’histoire du pays, exprimées dans ses livres depuis le premier, Le serment des barbares (Gallimard, 1999, prix du Premier roman), qui lui ont valu ce traitement et ce déni de justice. Boualem Sansal sert aussi d’« otage » au régime d’Alger dans ses relations exécrables avec la France, surtout depuis la reconnaissance récente par le président de la République Emmanuel Macron de la souveraineté marocaine sur l’ancien Sahara espagnol, contestée depuis toujours par l’Algérie.

Mais Maître Zimeray, qui, en tant qu’ancien diplomate (il a notamment été ambassadeur de France pour les Droits de l’Homme), connaît parfaitement le contexte géopolitique, ne veut pas que l’on se trompe de stratégie : « Moi, je ne défends pas un écrivain, affirme-t-il. Je défends un homme, injustement détenu, et son droit de bénéficier d’une défense équitable qui a accès à son dossier et est autorisée à le rencontrer ».

Appel à mobilisation universelle

Concernant les moyens d’action que pourraient déployer les soutiens de Boualem Sansal, l’éditeur et l’avocat, unanimes, réfutent toute idée de réactions officielles, qui, disent-ils, « ne feraient qu’envenimer les choses et courir des risques à Boualem ». En revanche, ils appellent à une puissante mobilisation universelle des écrivains, éditeurs, intellectuels, artistes, dans la foulée de nos prix Nobel Patrick Modiano, Jean-Marie Gustave Le Clézio et Annie Ernaux. Un site vient d’être ouvert à cet effet.

Le lundi 16 décembre, à 20 heures, une soirée de soutien est organisée par le Comité de soutien international pour la libération de Boualem Sansal, présidé par Catherine Camus et initié par la Revue Politique et Parlementaire au Théâtre Libre, boulevard de Strasbourg, à Paris. Les hebdomadaires Marianne et Le Point, les éditions Gallimard, les éditions du Cerf, le Comité Laïcité République et le Laboratoire de la République sont partenaires de l’événement. D’autres initiatives sont en préparation, en France et partout ailleurs.

Les ouvrages de Boualem Sansal publiés chez Gallimard
Les ouvrages de Boualem Sansal publiés chez Gallimard- Photo OLIVIER DION

Des écrivains, menacés eux aussi, comme Salman Rushdie, Orhan Pamuk ou Arundhati Roy se sont déjà engagés en faveur de Boualem Sansal. De même que son « frère » Kamel Daoud (l’auteur de Houris, prix Goncourt 2024 qui a fortement déplu en Algérie), présent à la conférence de presse, en butte lui aussi à des tracasseries de la part du pouvoir algérien. On se souvient de l’interdiction du stand de son éditeur, Gallimard, à la récente Foire du livre d’Alger...

Pour conclure, Maître Zimeray, qui ne se prononçait pas sur le fond mais sur la simple justice, plaide déjà contre ce qu’il appelle « le blocus de la pensée », à l’œuvre dans bien des pays du monde. Et, sur le cas de Boualem Sansal : « Si le pouvoir algérien estime qu’il a tort, alors le meilleur moyen de le prouver, c’est de le libérer sans délai ». Sera-t-il entendu par le président Tebboune ?

Les dernières
actualités