De Paris à La Havane en passant par Tombelaine, O. va tout faire pour retrouver son Eurydice, dans le premier roman sentimental et contemporain d’Olivier Liron, un roman d’amour fou, de passion fatale qui bouleverse les rôles entre les deux héros du mythe. Ici, ce n’est pas lui, Orphée, qui sur le chemin de retour des Enfers ne doit pas se retourner au risque de la perdre, mais c’est elle qui délibérément ne veut pas regarder en arrière. Elle, Eurydice-Loren, 28 ans, acrobate dans un cirque, voluptueuse voltigeuse qui ne veut être attachée à rien ni à personne et disparaît sans laisser d’adresse après trois mois d’étreintes fiévreuses, sans même prévenir l’amoureux fervent qu’elle laisse derrière elle, anéanti. A moins qu’elle ne soit finalement Orphée, ce "bad boy romantique" qui finit par se retourner non pour vérifier que sa bien-aimée le suit mais pour lui dire qu’il l’aime toujours, au-delà de la mort.
Dans un va-et-vient entre le "elle" et le "tu", du récit à l’adresse posthume, le monologue de O. mêle colère, impuissance, tristesse et reconnaissance. "Je t’ai cherchée dans tous les recoins familiers du monde." Jusque dans un village de la campagne normande où Victor Cerbère, artiste performeur, tient une maison d’hôtes, jusque dans la maison des Alyscamps. Jusqu’à l’enfer ensoleillé, le paradis joyeusement triste de Cuba où se trouve la clé du départ de Loren, la fille douce et crue, à la liberté souveraine.
Né en 1987, normalien, comédien, scénariste et grand admirateur de la chorégraphe Pina Bausch et de son Orphée et Eurydice, Olivier Liron a le talent fluide des jeunes écrivains lettrés : les références décalées, le désamorçage préventif par l’humour d’un romantisme néanmoins littéral et assumé, la distance joueuse, les clins d’œil au lecteur. Le goût des télescopages entre le classique et le trivial. L’ici-bas et l’éternité. "Les âmes du purgatoire vont aujourd’hui au McDo." Et elles dansent, poussières dans le vide. V. R.