14 octobre > Essai France > Jacques Yonnet

Dès la première ligne, le style vous prend, vous êtes parti. C’est un don rare chez un écrivain. Jacques Yonnet (1915-1974) est l’auteur de Rue des Maléfices (Libretto, 2012) que Raymond Queneau considérait comme l’un des plus grands livres écrit sur Paris. Pourtant, ce poète, résistant sous l’Occupation qui révéla les crimes du docteur Petiot, n’en écrivit pas d’autre. En revanche, il donna dans les années 1960 et jusqu’à sa mort des chroniques à L’Auvergnat de Paris, le journal des immigrants du Massif central. Troquets de Paris est une sélection - il en écrivit près de 700 - des meilleures, classées par quartiers.

Comme chez Vialatte surgit une érudition vagabonde. L’histoire, les légendes, les mystères avancent à sauts et à gambades. D’un bistro à une librairie, le "remettez-nous ça" de Blondin accompagne la gourmandise des lieux, la fringale des rencontres, l’appétit d’écriture.

On retrouve ici l’atmosphère surannée, potache et populaire de cette compagnie des zincs chère à l’oulipien François Caradec. Dans ce voyage enivrant, on croise Françoise Sagan, Gaston Bachelard, Jules Romains, Paul Fort, André Breton. On voit surtout se façonner un Paris fascinant et secret.

Jacques Yonnet avait aussi un joli coup de crayon, comme le montrent les dessins qui illustrent ses chroniques. Ce promeneur des deux rives goûtait la capitale comme on goûte un bon vin, en rappelant son histoire, ceux qui l’ont fait et bien sûr ceux qui l’ont bu. Il terminait la plupart de ses déambulations par un vivifiant "à la bonne vôtre". A lire sans modération. L. L.

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