"Je m’adresse à ceux qui aiment ou qui ont aimé leur père", écrit à un moment François Cérésa. C’est-à-dire, on l’espère, à chacun d’entre nous. Pour lui, en tout cas, ce fut un amour fou, absolu, parfois rugueux, toujours respectueux. Jean, dit Poupe, n’était pas commode, avait la main leste, et c’est vers les 18 ans de François que leurs rapports se sont vraiment épanouis. De la mort de ce père d’exception, en 2012 à l’âge de 86 ans, de la disparition de celui qu’il considérait comme un "héros antique", qui aurait aussi pu jouer dans des westerns comme Rio Bravo - le premier qu’ils aient vu ensemble : "Un père qui n’a jamais regardé un western avec son fils n’est pas un père", dit Cérésa -, l’écrivain ne s’est pas remis. Au point de porter les vêtements de Poupe, de lui dédier une pièce-musée à Mailly, en Bourgogne, dans cette maison que le descendant d’ouvriers italiens avait construite de ses mains, durant des décennies.
Alors, pour "faire son deuil", Cérésa a fait ce qu’il sait faire de mieux, prendre sa plume et écrire pour Poupe un livre magnifique, bouleversant et digne, drôle et tendre. Un hommage, bien sûr, à cet "aristocrate et prolo" qui, à la place de la fumisterie familiale, était devenu imprimeur puis l’ami des "intellos", Jean Daniel en particulier. Mais Jean aimait aussi les belles voitures, le tennis, le ski, Verdi, les amis, la famille et Doune, sa femme, disparue bien avant lui, en 1994, à 63 ans. Même s’il avait conservé son appétit de vivre, rien n’a plus été comme avant.
François, donc, est orphelin et, parlant de son père, il parle aussi de lui et de ses trois fils. Mais s’il se confie beaucoup dans ce récit intime, il ne dit pas quel père il est pour eux. Ni comment ils le surnomment : Proue ?
J.-C. P.