Quelques jours après les célébrations du 26 janvier, jour de la République et fête nationale, la New Delhi World Book Fair (NDWBF) était inaugurée par la présidente indienne, Droupadi Murmu, à Bharat Mandapam, vaste Palais des Congrès de la capitale. Son message introductif a positionné la diversité au cœur de la politique du livre dans ce territoire vaste comme un continent : « la lecture de livres de langues et de cultures différentes permet de construire des ponts entre les régions et les communautés ».
Si la NDWBF se rêve globale et fédératrice, elle peine à attirer les professionnels du sud du pays et l’immense majorité des professionnels participants étaient, cette année encore, des éditeurs du nord de l’Inde publiant en anglais et en hindi. Alors que le secteur éducatif représente 96% du marché indien, c’est le National Book Trust, organe de promotion du livre et de la lecture du ministère de l’Éducation, qui assure l’organisation de la NDWBF, avec comme principal objectif affiché de faire lire la jeunesse indienne dans un pays où près de la moitié de la population a moins de 25 ans.
Lire : « Incredible !ndia » : comment les éditeurs français travaillent-ils avec l’Inde ?
La Russie comme invité d'honneur
Le pavillon thématique était dédié aux 75 ans de la république indienne et au rôle fondateur de la Constitution entrée en vigueur le 26 janvier 1950, trois ans après l’indépendance de l’Inde, pour unifier la nation autour des valeurs fondamentales portées par le premier ministre de l’époque, Jawaharlal Nehru. Il est notable que ce soit dans ce contexte que l’Inde ait choisi de mettre à l’honneur la Russie, après l’Arabie saoudite en 2024 et la France en 2023, en insistant sur les liens étroits entre les deux pays… sur le front du livre.
![fdqs](/sites/default/files/styles/image_full_new/public/2025-02/Photo%20Judith.jpg?h=52d3fcb6&itok=L7JZWfcx)
Organisée comme une grande foire commerciale, la NDWBF se veut également une plateforme professionnelle, ouverte aux éditeurs internationaux, favorisant les traductions grâce à des rencontres B2B. Ainsi, le 2 février, la 12ᵉ édition du CEOSpeak était organisée en marge de la foire, pour accueillir les patrons de maisons indiennes ainsi que les délégations étrangères sur le thème Publishers as Nation Builders. À cette occasion, Yuvraj Malik, le directeur du NBT, a placé l’éditeur au cœur de la construction de toute grande nation : « Lorsque nous traduisons des livres, nous intégrons deux sociétés, deux cultures, deux nations, deux systèmes de valeurs et nous créons quelque chose de meilleur pour le monde […] C'est là que nous, éditeurs, avons un rôle à jouer dans l'édification de la nation - non pas de notre nation, mais de la nation à l’échelle mondiale. » Quelques jours après, dans les urnes, le parti nationaliste hindou du Premier ministre Narendra Modi (BJP), défenseur de la grandeur de l’Inde, remportait une large victoire au scrutin régional de la province de Delhi qu'il n'avait plus dirigée depuis 27 ans.
![sdf](/sites/default/files/styles/image_full_new/public/2025-02/Photo%20Judith%204.jpg?h=3e52825a&itok=yllr1gK-)
Sept éditeurs français
Pendant ce temps-là, dans le hall numéro 4 accueillant l’immense pavillon russe, le stand français d’une cinquantaine de m2 présentait au lectorat indien les livres de 80 maisons d’édition françaises inscrites au programme des « Foires du monde ». Sept professionnels français - ABC Melody, Ægitna, Emmanuelle Collas, Flammarion, Gallimard, Mediatoon, Sabine Wespieser - étaient présents au cours de ce qui était la dernière étape d’un voyage de découverte des marchés indiens organisé par l’Institut français en Inde et financé par le ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères, dans le cadre du soutien à l’export des Industries Culturelles et Créatives françaises. Parmi eux, Stéphane Husar, fondateur de la maison d’édition jeunesse ABC Melody, affirmait au sujet de sa quinzaine de rendez-vous productifs : « Ce sont de très bonnes bases pour rentrer sur ce marché qui semble inatteignable tant qu’on n’est pas sur place. »
Sur le stand français, c’est la librairie Oxford Bookstore qui assurait la vente des livres, en français mais aussi en anglais sur le corner Pardon my French, du nom du partenariat de l’Institut français en Inde avec une douzaine de librairies où les livres français sont vendus en traduction anglaise. Parce que si le français est la première langue étrangère enseignée en Inde, l’anglais reste aujourd’hui le relais le plus efficace pour que nos auteurs français y soient lus.
![fezd](/sites/default/files/styles/image_full_new/public/2025-02/Judith.jpeg?h=52d3fcb6&itok=cfx6XuW5)