Le tribunal correctionnel de Paris a débouté jeudi 22 septembre un vigneron qui attaquait en diffamation une journaliste pour ses écrits critiques sur les classements des grands crus de Saint-Emilion et la "férocité d'un petit monde raffiné". Si les écrits ironiques et polémiques de la journaliste donnent du viticulteur "une image extrêmement péjorative", "aucun des propos retenus ne peut être considéré comme diffamatoire", selon la décision consultée par l'AFP.
Le tribunal a donc débouté Hubert de Boüard de Laforest, héritier et copropriétaire du château Angélus, classé dans les "premiers grands crus classés A", la plus prestigieuse catégorie du classement des grands crus. Le vigneron poursuivait la journaliste Isabelle Saporta pour son livre Vino Business paru en 2014 chez Albin Michel (18 000 ventes selon GFK) et dans lequel elle le décrit comme "le petit Machiavel du vin", "le renard" ou encore "un parvenu" des vignes.
Classement contesté
La journaliste, auteure également d'un livre sur "les dérives de l'agriculture productiviste", décrivait les enjeux du nouveau classement des grands crus rendu en 2012 par l'Institut national des origines et de la qualité (Inao), dont certains membres ont "des liens" avec Hubert de Boüard de Laforest. Isabelle Saporta soulignait que le château Angélus, sans conteste "un grand vin", couronné par ce nouveau classement en 2012, avait échoué six ans plus tôt.
Ce classement, que certains vignerons recalés contestent devant la justice administrative et pénale, "c'est de l'argent", avait rappelé Isabelle Saporta à l'audience en juin. "Quand vous êtes "grand cru", votre hectare de vignes vaut 1,5 million, quand vous êtes "premier grand cru", c'est 4 ou 5 millions, quand vous n'êtes plus classé, c'est 600 000 euros." Sans compter le prix du vin, qui grimpe encore : une bouteille de château Angélus 2012 coûte plus de 400 euros.
Château Angélus au cinéma
La journaliste s'interrogeait aussi sur certains critères du fameux classement, qui semblent selon elle taillés sur mesure pour le domaine de M. de Boüard de Laforest. Par exemple, un vin sera d'autant mieux classé qu'il est déjà célèbre, or le vigneron a déjà placé son château Angélus au cinéma, en particulier dans le verre de James Bond.
Pour sa part, Hubert de Boüard de Laforest avait défendu la révision du classement et assumé son rôle de premier plan : "Je revendique le fait d'être actif et d'être un entrepreneur mais je revendique aussi mon honnêteté". Il réclamait 50 000 euros de dommages-intérêt, plus 10 000 euros au titre des frais de justice.