Les frères Antonio (vers 1825-1906) et Felice (vers 1832-1909, ou 1903 ?) Beato étaient les descendants d’une famille vénitienne installée à Corfou, alors possession britannique, où ils sont nés. Ce qui leur a permis d’avoir la double nationalité italienne et anglaise, bien pratique lorsqu’on voyageait dans l’Empire. Photographes, ils ont longtemps travaillé ensemble un peu partout, notamment en Inde, en 1858-1859, juste après la Révolte des cipayes. Ils furent les premiers à publier des photographies de massacres, souvent signées de leurs deux noms, difficiles à attribuer à l’un ou à l’autre, tant leurs styles se ressemblaient. Mais tandis que le cadet, Felice, est resté poursuivre sa carrière en Asie, l’aîné, Antonio, s’est installé en Egypte dès 1859. D’abord au Caire qui, semble-t-il, le déçoit un peu, puis à Louxor, en Haute-Egypte, à partir de 1862 et jusqu’à sa mort.
Antonio Beato, dont la vie nous est assez mal connue, est l’un des premiers professionnels de l’histoire de la photographie. Sur le motif ou dans son atelier-boutique des bords du Nil, il réalise d’abord des clichés touristiques, des cartes postales. Puis, ayant fait la connaissance d’archéologues comme Legrain, Maspero ou Mariette, pionniers de l’égyptologie, il se met en quelque sorte à leur service, photographie les monuments antiques sous toutes les coutures, les fouilles. Mais pas seulement. Il s’intéresse aussi au pays, à ses habitants, en ethnologue bienveillant.
Son œuvre, étudiée minutieusement et remise en lumière par son lointain disciple Gérard Réveillac, lui-même photographe d’archéologie, fascine, émerveille. L’essentiel, 295 clichés sur plaques de verre, est conservé au Musée égyptien du Caire. Un trésor. J.-C. P.