5 octobre > roman Etats-Unis > Bernard Malamud

"Certains hommes naissent déjà construits, tandis que d’autres doivent atteindre cet état de félicité au prix d’une lutte", estime Bernard Malamud. L’écrivain américain sait de quoi il parle. Cette formule clé englobe sa destinée et celle de ses protagonistes. Né en 1914, à Brooklyn, il a surmonté de nombreux obstacles pour suivre son chemin. Malgré le Man Booker Prize et le Pulitzer pour L’homme de Kiev, il souffrait d’un manque de reconnaissance. Les éditions Rivages ont le courage de réhabiliter cet auteur malmené, décédé en 1986.

Dans son second roman, Le commis, Bernard Malamud fait preuve d’un degré de maîtrise impressionnant. Ce texte enraciné dans sa jeunesse, refléte la genèse de son œuvre. "Ne devenez jamais épicier. C’est un métier sans avenir", dit-il. Le père de Malamud l’était. Il a inspiré le pauvre Morris, qui pensait pouvoir s’offrir le rêve américain. Or il ne s’est heurté qu’à d’amères galères. Tout comme sa fille Helen, l’auteur a voulu fuir cet étau. "Son ambition de devenir écrivain était une anomalie", écrit le jeune romancier anglais Adam Thirlwell dans sa postface qui montre en quoi l’univers de Bernard Malamud diffère de celui d’autres Juifs américains, Saul Bellow ou Philip Roth : "Son territoire fondamental : les quartiers pauvres des immigrés juifs." Malamud les croque avec ironie et tendresse.

La détresse de Morris se lit dans ses caisses vides. Il travaille pourtant comme un forcené dans son épicerie, mais les temps sont durs. Cependant, une agression modifie le cours de l’intrigue et le met en relation avec Frank, un loser solitaire qui a besoin de se racheter une conduite. Se rendant indispensable, il séduit toute la famille qui voit en lui une chance. Mais l’homme cache ses secrets et ses regrets. Alors que son amour pour Helen grandit, il saisit le fossé entre Juifs et "goys".

Comment dépasser nos identités, nos limites, nos souffrances et nos failles ? Pleins d’humanité, les personnages de Malamud ont une sagesse digne du Talmud. Ils ne sont pas érudits, mais ils aiguisent leurs réflexions à mesure que leur vie se fait plus dure. K. E.

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