"La vie est une grande maison qui possède maintes chambres, toutes dotées de portes nombreuses." Mais que cachent-elles ? Tel est le thème subtil du premier roman de Tommi Kinnunen. Né en 1973, ce dramaturge enseigne les langues et les littératures indigènes. Il écrit que "chacun choisit son chemin". S’il trace visiblement le sien, celui de ses personnages est nettement plus sinueux.
Le livre débute au sein d’une famille finlandaise atypique, en 1895. Maria est une sage-femme respectée, elle sauve des vies dans les villages les plus reculés. Son mode de vie est cependant sévèrement critiqué. "Dieu enjoignait à la race des hommes de se multiplier et aux femmes de se taire." Or cette mère célibataire élève sa petite Lahja toute seule. Une vingtaine d’années plus tard, celle-ci tombe enceinte à son tour. Le géniteur a fui, mais, un autre homme, Onni, accueille tout le monde dans son nid. La guerre s’invite sur leurs terres. Tout ce qu’ils avaient construit doit être abandonné, mais ils s’efforcent d’avancer malgré les blessures et les déceptions. Onni bâtit une immense demeure, mais pourquoi Lahja a-t-elle le cœur sec ? Les années passent, la famille s’agrandit. Devenue veuve, Lahja s’installe avec son fils et sa belle-fille, Kaarina. La cohabitation entre les deux femmes est pénible. Comment former un foyer ?
Chaque chapitre fait un bond dans le temps, en s’imprégnant des lieux habités ou imaginés, comme "Le sentier perdu" ou "La rue de l’allégresse". Le tout est accompagné de leçons de vie. Comment l’apprivoiser ? Tommi Kinnunen n’apporte évidemment pas de réponse. En faisant évoluer ses protagonistes au fil des époques, il laisse en revanche entrevoir des bribes de l’Histoire, des dégâts de la guerre à l’apparition de l’électroménager.
L’ambiance à la Ibsen montre qu’un calme apparent peut masquer l’aigreur, la frustration, la douleur et l’espoir. Quatre héros prennent la parole. Le dernier étant Onni qui a tu ses secrets toute sa vie. "Il s’était marié comme il se doit, avait eu deux enfants. Fait la guerre comme tout le monde. Qu’avait-il fait de mal ? Ce n’est pas de cette vie qu’il voulait." Brusquement, tout le roman trouve un autre éclairage. K. E.