Série d'été 2024

[Les nouveaux mooks 4/5] Sève : l'écosophie en prose

Vidya Narine a travaillé dans la mode avant de se reconvertir dans l'écriture. - Photo Chloé Vollmer-Lo

[Les nouveaux mooks 4/5] Sève : l'écosophie en prose

Toujours plus nombreux en kiosques et librairies, les mooks ont besoin d’affirmer leur différence pour s’installer dans la durée. Les derniers venus l’ont bien compris, qui cultivent tous une ligne éditoriale particulière et tranchée. Livres Hebdo en a sélectionné cinq récemment lancés. Quatrième de notre série, Sève manie les mots comme les arts plastiques dans une perspective écologiste et philosophique.

 

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Par Léon Cattan
Créé le 30.07.2024 à 10h06

« Même endormi, même oublié, même resté invisible, un livre important intègre votre univers sensible, il vous nourrit et nourrit les moments de l’Écrire durant lesquels votre être en son entier acquiert une densité d’étoile. » En lisant Le conteur, la nuit et le panier de Patrick Chamoiseau (Le Seuil), dont cette phrase est extraite, Vidya Narine, créatrice de la revue Sève, l’a bien perçue, cette densité d’étoile.

De cette lecture marquante émane une question, qu’elle synthétise en ces termes : « Pourquoi, un jour, une personne se lève et parle une langue que chacun comprend, et dans laquelle chacun se reconnait et raconte une histoire où tout est vrai, et tout est inventé ? » Elle ajoute : « À la sortie de la pandémie, j’ai eu envie de chercher dans la littérature des paysages possibles à l’heure du dérèglement climatique et des mégafeux, des perspectives autres que la surenchère néolibérale ou la catastrophe. »

Après avoir travaillé dans l’industrie de la mode et diplôme de l’École du Louvre en poche, l’autrice d’Orchidéiste (Les Avrils, 2023) se lance dans l’écriture et créé sa revue, Sève, dont le 3ᵉ numéro paraîtra en septembre 2024. La directrice éditoriale est accompagnée dans ses tâches par le graphiste Michael Thorsby et Léa Pablo, chargée de communication et attachée de presse.

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Après les fantômes, les mythologies

Tiré à 300 exemplaires et diffusé en ligne comme dans les librairies Yvon Lambert ou Les Mots à la Bouche, le troisième titre est consacré aux mythologies. Il comporte des textes inédits de 30 auteurs, dont Boris Le Roy, Laure Gauthier et Chloé Delchini, ainsi que plusieurs réflexions sur les arts plastiques, présentes sous formes d’entretiens et de photographies. Le thème du premier numéro de Sève portait son nom, le second évoquait les fantômes. En somme, des sujets assez larges pour les articuler autour de ce qui intéresse l’éditrice, à savoir « l’écologie environnementale d’un seul tenant avec l’écologie sociale et l’écologie mentale, à travers une écosophie de caractère éthico-politique », se réclamant de la pensée de Félix Guattari.

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Photo ED. SÈVE

De l’aveu de Vidya Narine, l’écologie est un sujet qui la « travaille au quotidien », et nourrit son rapport à la fiction. « Le roman tel qu’on le connait aujourd’hui est marqué par sa forme bourgeoise du 19ᵉ siècle, considère-t-elle. La nature est repoussée au second plan, au décor, et l’intérieur bourgeois accueille la scène principale. »

Ces déconstructions, considérations presque métaphysiques et exigeantes sur le plan intellectuel, pourraient vouer Sève à une réussite confidentielle. Pourtant, l’éditrice se montre optimiste : « La revue a été commandée depuis une dizaine de pays dès son premier numéro, et distribuée par plusieurs librairies. » Elle conclut : « La scène des revues en France est très riche, très vivante, il y a une curiosité, une soif de dialoguer aussi entre artistes et avec les lecteurs. C'est un moyen formidable pour les auteurs d'essayer des formes, de les confronter au regard des lecteurs. Je crois que Sève a pris une place assez spéciale, dans ses thèmes, sa sélection de textes et sa forme. » 

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