Chantal Chawaf, qui écrit depuis plus de quarante ans, ancienne éditrice, personnalité discrète du monde des lettres dont les romans sont parus aux Editions des femmes-Antoinette Fouque, Stock, Flammarion et à présent à La Grande Ourse, est cataloguée comme une écrivaine féministe.
L’inconnue du désir scrute la relation entre une jeune femme et un couple bourgeois d’âge mûr. Annerose Ramsky vivote dans une chambre de bonne, tandis que Hubert et Mona de Valençon habitent un appartement d’un immeuble cossu avec vue sur le jardin du Luxembourg. Elle est pauvre. Ce sont des intellectuels nantis qui invitent régulièrement leur protégée à prendre le thé. Sans élucider la nature réelle du lien, le roman se concentre sur les effets d’une amitié ambiguë et les ressorts d’une relation déséquilibrée. Si elle n’en est pas la narratrice, le récit est mené du point de vue de la jeune femme. Sa jeunesse et la différence d’âge ne sont pas les seules choses qui la transforment en proie vulnérable. Elle est décrite comme atteinte d’un "incurable retard mental". La domination est intime autant que sociale, le statut du couple manipulateur compte aussi beaucoup dans la dépendance et la frustration qu’ils installent et qui apparaît comme un abus de pouvoir, caractérisé en quelques lignes peu avant la fin du livre.
L’écriture transportée de Chantal Chawaf n’intellectualise pas : le vertige sensoriel que suscite le fantasme chez cette jeune femme, son consentement à l’envoûtement passent par le corps. "Elle se comportait en mendiante de la vie". Tandis que "le vampire se mire, gorgé de l’inavouable aphrodisiaque de la cruauté". V. R.