Entretien

Mathieu Diez quitte Lyon BD : "Plus qu’un festival, c’est une institution culturelle"

Mathieu Diez, directeur de Lyon BD, et l’affiche de la 11e édition. - Photo © P.-A. PLUQUET

Mathieu Diez quitte Lyon BD : "Plus qu’un festival, c’est une institution culturelle"

À 43 ans, le fondateur et directeur de Lyon BD quitte son poste pour devenir attaché livre et débat d’idées à l’Institut français à Beyrouth. Alors que la 16e édition du festival se tiendra en juin, Mathieu Diez revient sur le développement de cet événement désormais incontournable dans le paysage lyonnais. Et dresse le portrait idéal de son successeur.

Par Benjamin Roure
Créé le 13.04.2021 à 15h14

Quand vous avez lancé Lyon BD en 2006, aviez-vous imaginé ce qu’il allait devenir 15 ans plus tard ?
Non, le festival a grandi par étapes. Je tenais un café sur le plateau de la Croix-Rousse et j’organisais quelques expositions et séances de dédicaces. Et c’est avec Patrice Boudier, de la librairie La BD, que nous avons impulsé l’idée de créer un festival BD dans le quartier, en se rapprochant dès le départ de l’association d’auteurs L’Epicerie séquentielle, dont Jean-Christophe Deveney et Olivier Jouvray. Et en fédérant des gens qui n’étaient pas du petit milieu de la BD mais qui avaient envie de participer à une aventure collective. Après les deux premières éditions sous chapiteau, nous avons intégré le Palais du commerce, en centre-ville, et organisé notre première journée pro. C’est là que Lyon BD a pris la voie de la professionnalisation – j’en étais devenu salarié à mi-temps. La bascule suivante a eu lieu en 2012, quand j’ai vendu mon café pour me consacrer à 100% au développement de Lyon BD. Aujourd’hui, le festival emploie dix équivalents temps plein.
 
Quel a été le regard alors des institutions culturelles locales ?
Plutôt bienveillant, mais il a fallu les apprivoiser ! Aujourd’hui, on compte peu de grandes institutions culturelles locales avec lesquelles nous n’avons pas collaboré : cette année, par exemple, nous travaillons pour la première fois avec la Biennale de la Danse. Le renouvellement générationnel, qui a eu lieu sur quinze ans à la tête de ces institutions locales, a aussi joué entre notre faveur : beaucoup de responsables sont des lecteurs et lectrices de bande dessinée et ne s’en cachent pas. Certes, Lyon BD est une initiative individuelle, mais elle a toujours été accompagnée.
 
Mais vous la quittez alors qu’elle a pris encore une autre ampleur depuis quelques années. Vous craignez la crise de croissance ?
Alors que le budget va pour la première fois dépasser le million d’euros, on pourrait être effrayé par le fait de grandir trop vite. Cependant, je pense que la croissance de Lyon BD s’est faite de manière progressive et assez naturelle, et que le festival a atteint une forme de stabilité, avec un volume qui offre des marges de manœuvre pour à la fois tenter des choses et poursuivre sa structuration. De plus, le fait pour moi d’avoir été conseiller artistique BD pour le pavillon français à Francfort ou membre de la commission BD du CNL a participé à une consécration de l’institutionnalisation du festival. Aujourd’hui, être à la tête de Lyon BD, c’est plus qu’être programmateur de festival, c’est diriger une institution culturelle.
 
Et ça ne vous intéresse plus ?
Si, bien sûr ! Ce qui me fait me lever le matin avec le sourire, c’est d’imaginer et lancer des projets, notamment à l’international. Et avec Lyon BD, c’est ce que je fais tous les jours. Je ne le quitte pas par lassitude ou fatigue. Mais je rêvais depuis longtemps d’une expérience d’expatriation, et le réseau culturel français à l’étranger, via les Instituts français, m’attirait. Le poste d’attaché livre et débat d’idées à Beyrouth s’est libéré et ma candidature a été retenue. C’était sans doute le bon moment pour ma famille et moi. Et je vais continuer à collaborer, mais de l’autre côté de la Méditerranée, avec Lyon BD, car nous avons initié un festival BD là-bas, dont la première édition se tiendra en octobre. Au Liban, je travaillerai aussi sur le Salon du livre francophone.
 
Vous êtes à la fois cofondateur, directeur général et directeur artistique de Lyon BD. Vous l’incarnez totalement. Quel serait le profil idéal pour vous succéder ?
Surtout pas un clone ! Dans l’idéal, il faut quelqu’un qui sache parler naturellement aussi bien avec des bénévoles, le maire de Lyon, des directeurs de musée, ou des auteurs de BD, et qui ait un côté entrepreneurial. Je suis très curieux de voir comment Lyon BD poursuivra son développement avec un autre regard. Cette institution vit toute l’année, porte une trentaine de projets ambitieux par an, il faut avoir envie de se frotter à ça. Dans l’immédiat, ce sont le projet Comic Art Europe et l’ouverture d’un lieu pérenne pour Lyon BD l’an prochain, avec espace d’expositions et ateliers permanents d’auteurs, qui occuperont mon successeur. Voir perdurer ce festival sous la direction d’un ou d’une autre est, au final, une forme de rêve qui se réalise.
 
 
 
 
 

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