On se presse de partout pour admirer la roseraie d’Horace Pink. Ses secrets pour faire pousser les plus belles roses confinent à l’obsession maniaque: il les arrose avec de l’eau de pluie ("qu’il fait venir exprès d’Ecosse"), les taille au millimètre près et surtout fait une chasse impitoyable à la moindre herbe qui aurait le malheur de croître alentour. Bien sûr, un tel amateur de roses ne pouvait appeler sa fille que Rosie. Prénom plutôt mal choisi! En bonne mauvaise graine, Rosie n’aime rien tant que ces herbes de peu pour lesquelles le père n’a que dédain. Germe alors une idée dans son adorable petite tête: récupérer dans les poubelles paternelles les mal-aimées et les planter dans des pots de yaourt. Bien vite, les petits récipients ne suffisent plus à contenir leur croissance. Du bout des lèvres, Horace concède quelques mètres carrés de précieuse terre, mais alors loin, derrière le manoir, tout au fond: "Que personne ne voie ces horreurs", se dit-il. Une saison plus tard, notre jardinière en herbe est à la tête d’une vraie pépinière où croissent allègrement pissenlits et liseron. Fissa, elle grave sur un petit panneau ces mots de propriétaire: "le paradis des mauvaises herbes de Rosie Pink" (faites attention où vous mettez vos gros pieds, hein). De quoi faire tomber l’impeccable Horace dans le panneau, si on peut dire.
Cette histoire printanière et primesautière signée Didier Lévy se laisse butiner gaiement. Ivre de la fraîcheur des couleurs et des formes imaginées par Lisa Zordan, le lecteur, tel un insecte pollinisateur, papillonne parmi les pétales, calices et pistils de ce jardin extraordinaire. Un livre qui fait sacrément du bien au sortir de l’hiver. Fabienne Jacob