« Ce matin, les circonvolutions légères donnent la nausée », annonce Lola Lafon au début d'une chronique parue dans Libération. « Ce matin », on est le 29 juin 2023, soit deux jours après la mort du jeune Nahel, décédé lors d'un contrôle de police à Nanterre. Pour l'autrice de Quand tu écouteras cette chanson (Stock, 2022), « Nahel s’est pris la mort en plein cœur, une mort statistique, politique. Mourir c’est emporter avec soi un récit, une facette du monde. Serons-nous capables de le raconter encore longtemps, de ne pas laisser ce prénom vaciller dans l’oubli ? ».
Dans les jours qui ont suivi, à mesure que des émeutes ont éclaté à travers le pays, plusieurs écrivains ont eux aussi réagi sur les plateaux de télévision ou dans la presse.
Dans Le Figaro, l'historien Georges Bensoussan s'inscrit dans la continuité de l'ouvrage collectif qu'il a dirigé en 2002, Les Territoires perdus de la République (Mille et une nuits) : « Le déni est largement responsable de la situation actuelle, entretenu par les classes dirigeantes et nourri par ce “gauchisme culturel” qui, pour partie, domine médiatiquement ce pays. » Il reconnaît néanmoins qu'il est difficile « de ne pas être ému par la mort d'un adolescent de 17 ans ».
Le lauréat du Goncourt du premier roman 2018, l'écrivain franco-turc Mahir Guven, désigne lui d'autres coupables, et cite notamment les fausses promesses de l'État à plusieurs générations d'immigrés : « Nahel et des millions d’autres sont devenus comme moi, des êtres déracinés, des êtres qui s’inventent une culture. Des gens ni d’ici ni d’ailleurs, qui marchent bancals à cause de vertèbres disparues. » Dans Grand Frère (2017, éditions Philippe Rey), l'écrivain faisait s'affronter le destin de deux frères désabusés à leur manière, l'un chauffeur de VTC, l'autre infirmier en Syrie.
TRIBUNE. Pourquoi Nahel est mort
— Libération (@libe) June 30, 2023
La balle dans le cœur de Nahel, a-t-elle été tirée parce que l’on n’aime pas la banlieue ? L’écrivain franco-turc Mahir Guven s’interroge. @Hirma_venguhttps://t.co/25EN2Hb4ls
« Est-ce qu’un jeune qui a des perspectives d’avenir, qui pense qu’il va réussir dans la vie et avoir un beau métier, qui s’épanouit à l’école, est-ce que ce jeune-là va aller brûler une voiture ? », interroge de son côté Fatima Ouassak sur le plateau de BFM TV. L'autrice, qui écrit sur la question des mères de banlieue, incite à ne pas généraliser les jeunes des quartiers populaires et leurs parents. Pour elle, la responsabilité se trouve ailleurs.
Plus que les coupables, Abdelkrim Branine cherche enfin à dénoncer les récupérations dont ces évènements ont fait l'objet. Il s'en prend à ceux qui « jettent de l’huile sur le feu, à cette gauche qui tente honteusement de récupérer le drame, à cette droite qui se félicite de la mort de Nahel, à ces bobos qui n’habitent pas en banlieue et qui appellent à l’insurrection ou refusent d’appeler au calme, c’est irresponsable de leur part ».