Né en 1976 à Louisville, Kentucky, vivant aujourd'hui à Iowa City après un séjour à Sofia, Garth Greenwell est en brillant sujet, diplômé d'Harvard et de musicologie, critique et enseignant. Un intellectuel gay, très américain même si frotté aux cultures européennes. Son premier roman, qui nous parvient aujourd'hui, What belongs to you, publié chez Farrar, Straus & Giroux, a été perçu comme une révélation aux Etats-Unis. Il fut, en 2016, le seul de sa catégorie en lice pour le National Book Award. Depuis, il a été traduit dans une quinzaine de pays. Il a même été salué de « livre capital » par Edouard Louis, dans un blurb. L'auteur d'Histoire de la violence s'est retrouvé dans ce texte âpre, où la relation entre les deux protagonistes, le narrateur, un écrivain américain en exil en Bulgarie où il enseigne la littérature au prestigieux American College de Sofia, et Mitko, un jeune prostitué croisé sur un lieu de drague, alcoolique, drogué, malade, menteur, dangereux peut-être, mais surtout insaisissable, est largement conditionnée par les différences d'origines, de culture, de classe.
Après une première rencontre sordide dans les toilettes du NKD (National Palace of Culture), où Mitko, 23 ans, originaire de la station balnéaire de Varna, sur la mer Noire, vend du shit et se loue, ils se reverront épisodiquement, durant plusieurs années. Souvent lorsque le garçon, quasiment SDF et très malade, vient frapper à la porte de l'Américain, en quête de secours. Celui-ci, lorsqu'il analyse leurs rapports, peine à les définir : relation sexuelle même si peu satisfaisante, amour, certainement pas, et amitié, pas sûr. L'argent fausse tout, et Mitko, à un moment d'extrême tension, lucide et cruel, lui lance un : « Tu ne sais pas ce que tu veux. » Ce n'est pas faux : le narrateur, souffrant toujours de son rejet par son père à cause de son homosexualité, de ses rapports compliqués avec sa mère, a noué une relation « sérieuse » avec R., un Portugais, mais ils se parlent surtout par Skype...
« Tragédie antique », selon Edouard Louis, tout cela ne pouvait pas bien se terminer. On n'en dira pas plus. Si ce n'est que c'est brillant, oppressant, angoissant.
Ce qui t’appartient - Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Clélia Laventure
Rivages
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 21 euros ; 250 p.
ISBN: 978-2-7436-4521-2