François, le narrateur, est un être sans consistance ni ambition, facilement paniqué, maladroit, un rien paranoïaque. Surtout depuis la mort de sa mère, dont il se sent responsable. Avec son père, ancien tailleur de pierre retiré dans le Sud, aucun contact. Guère moins qu’avec sa femme, Marie. Ils ne se parlent plus depuis des mois. Elle finira par le quitter. A l’extérieur, François est, depuis trois ans, le correcteur méticuleux, voire maniaque, de La Revue du Tellière, un mensuel culturel dirigé par Reine, une séductrice rousse androgyne et autoritaire, au comportement déstabilisateur, qui l’appelle "mon petit François". Pour seul collègue, il y a Tapoin, un plumitif prétentieux qui ne supporte pas celui qu’il appelle "le recteur".
Dans cet univers sinistre mais bien huilé va survenir un grain de sable : François s’aperçoit un jour que des coquilles se glissent dans des articles qu’il a corrigés. De plus en plus. Serait-ce un coup de Tapoin, pour le faire virer ? De la perverse Reine elle-même, afin de le tester, ou de l’humilier ? A moins que, dans une dérive schizophrénique, il ne détruise lui-même son travail.
On finit par ne plus trop savoir, au fur et à mesure qu’Elodie Llorca tisse la toile de ce thriller psychologique froid, qui doit à Hitchcock : à un moment, François trouve un oisillon dans la rue, le recueille, tente de le soigner, l’emmène partout avec lui, lui parle, sans se rendre compte qu’il est mort. Et à Kafka : François sombre-t-il dans la folie, ou se métamorphose-t-il réellement en oiseau ? On ne le saura pas, et c’est très bien ainsi. Comédienne, dramaturge, scénariste, Elodie Llorca a le sens du suspense. Une jolie plume aussi, presque trop lisse. Cette Correction est prometteuse. J.-C. P.