Entrevue à L’Entrevue, le café-restaurant d’Actes Sud.
Comment êtes-vous devenu résident d'Agir pour le vivant, aux côtés de Tiphaine Calmettes et de la comédienne Laetitia Dosch?
On a été sollicité par le Festival avec Julieta Canepa, ma compagne avec qui j’ai écrit des livres pour la jeunesse autour de l'écologie. C’est une carte blanche. On écoute, on se nourrit de tout ce qui se dit. Dimanche, on va proposer le fruit de notre réflexion. Nous allons proposer un projet qui s’appellera « Histoire du vivant ». Ce projet sera collaboratif, comme un atelier d’écriture à ciel ouvert, auquel pourrait participer un maximum de personnes, de tous horizons. Sur le modèle de la Convention citoyenne, on leur donnera des outils très simples pour qu’ils contribuent à ce « livre-monde ». Ce sera une création sur leur rapport au monde vivant. Ce sera peut-être un récit, un texte ou une plateforme en ligne qui accueillera les contributions écrites, visuelles ou orales : l’écrit peut-être intimidant.
L'aspect collectif s'est imposé après tous ces débats?
On trouve plus intéressant que les gens s’approprient le processus. C’est très bien les livres, mais est-ce qu’on écrirait pas ce livre tous ensemble ? Il y a une émulation intellectuelle à écrire à deux ou plus.
Dans votre dernier roman, fédérer des experts de différentes disciplines, de différentes générations, est aussi l'option du personnage principal.
Cet Adam Tobias fait le constat de 40 ans d’échecs. Dans mon roman, les personnages se rassemblent pour réussir, même s’ils en sortent cabossés. Je m’interrogeais : « Qu’est-ce qui serait beau à proposer si j’étais un de ces personnages du livre ? Quelle sorte d’utopie, comment peut-on renommer le réel ? » Le roman permet l’identification, contrairement à un essai. Il peut donc amener d’autres réponses car on capte mieux les rapports de force. La fin n’était pas forcément prévue, d’ailleurs. J’espère qu’on peut le comprendre comme un passage de relais. Par ailleurs, le projet d’Adam Tobias ne peut fonctionner que s’il est réellement ambitieux. Dans la conférence de vendredi, Dominique Bourg ne dit pas autre chose : les petits changements, les petits ajustements ne sont pas la solution.
N'y a-t-il pas un vide de la pensée politique sur la question environnementale, que la fiction compense à sa manière?
C’est l’objet de la tribune publiée dans Libération. Il faut proposer une pensée puissante, excitante, presque sexy, du récit à venir. Le récit du capital a cette puissance qui a tout balayé. On voit qu’avec un simple virus, ce monde du capital s’effondre très vite. Il faut qu’on imagine une nouvelle relation au vivant, pas une bluette bio. C’est ce qui est intéressant avec les intervenants ici : on rassemble les philosophes, les économistes, les sociologues, les scientifiques… Il faut maintenant que des figures comme Bruno Latour ou Baptiste Morizot soient plus entendues. J’adore écouter les penseurs, mais on a besoin de mythes. François Sarano disait ça cette semaine : quand vous êtes avec un cachalot, et que vous dansez avec lui sous l’eau, il se produit quelque chose de physique. L’identification et le processus de l’alchimie de la fiction rejoignent ça.
Les récits proposés sont malgré tout souvent pessimistes. Le grand vertige se distingue parce qu'il n'est pas dystopique...
Le projet de Tobias est ambitieux, mais qu’est-ce qu’on fait pour accélérer les choses, comment faire pression puissamment? J’aimerais bien que la partie sur la violence, la radicalité, au milieu de mon roman, suscitent le débat. Tout comme j’espère que cela peut aider à une prise de conscience écologique, mais aussi à s’interroger sur sa place dans le monde, par rapport aux combats à mener, au vivant ou aux autres. Et puis, il y a cette perception entre pessimisme et optimisme. J’aimerais qu’on n’y voit pas que l’échec, la déception, comme je l’ai lu, mais aussi l’élan et l’espoir dans une nouvelle génération.