Avec La famille Middlestein (Les Escales, 2014), récit d’une désintégration familiale, les lecteurs français découvraient en Jami Attenberg une nouvelle jeune romancière américaine aussi douée que drôle et attachante. Quoique très différent des Middlestein, Mazie, sainte patronne des fauchés et des assoiffés vient le confirmer avec éclat. Cette fois-ci, c’est New York, et non plus Chicago, qui sert d’écrin à cette histoire un rien baroque et truculente. La Mazie du titre, gros cœur, grande gueule, c’est Mazie Phillips-Gordon, une légende dans son quartier, tenant depuis des décennies la caisse du Venice, un très vieux cinéma propriété de sa famille, havre de paix pour le drôle de monde et demi-monde qui vient y reposer ses soucis. Mazie, qui fut en son temps croquée dans les pages du New Yorker par le grand Joseph Mitchell, a réellement existé ; Attenberg romance son destin et la réinvente dans toute sa vitalité, son humanité, son côté "bigger than life". Son livre est polyphonique, faisant tour à tour intervenir témoins de la vie de Mazie et extraits de son journal intime tenu depuis l’enfance. Passent la famille (et notamment sa sœur chérie, Jeanie), les amis, les amants, les zones d’ombre de sa vie que la romancière n’éclaire qu’avec délicatesse, les chagrins, aussi.
Jami Attenberg nous offre la voix de Mazie, la voix de son époque et du Lower East Side, avec une justesse qui donne à son roman une complexité et une profondeur plus grandes qu’il n’y paraît. Car au-delà de l’histoire de son héroïne, c’est bien de famille, de liberté, d’émancipation des femmes (avec en prime une déclaration d’amour enflammée à New York) qu’il est ici question l’air de ne pas y toucher, de ne pas le regretter. Olivier Mony