Au premier degré, Stupéfiants peut se lire comme un thriller, un roman d’aventures entre Arusha, ville de Tanzanie où l’auteur a habité, comme son double, et Paris, où il a fait les 400 coups dans sa jeunesse. Une histoire embrouillée à souhait de trafics de drogues et d’armes, avec son cortège de meurtres (un chef de guerre massaï, une "horizontale" sénégalaise et quelques autres), ses personnages patibulaires (Jaffa, le businessman d’Arusha, caïd du trafic d’héroïne, entre autres, ou Mikaël Laumier, dit Mitard, le salopard absolu), et même son scandale international : le gouvernement tanzanien, qui a concédé des terres à un consortium émirati sans concertation, va devoir abandonner son projet suite à la mobilisation des populations, en particulier les Massaï. Du côté des "bons", le narrateur, pigiste baroudeur qui deviendra à la fin un héros de roman sous la plume de sa sœur Agathe, ou encore ses amis flics, dont Karim, pote de jeunesse et membre du Club Chômage, le cercle qu’ils avaient formé à l’époque. Mais ils ont aujourd’hui 40 ans et ne sont pas tous calés dans leur vie. Contrairement à leurs cadets, les trentenaires, entrepreneurs décomplexés qui, eux, "en veulent". Entre les deux générations, incompréhension réciproque, moqueries. Pas les mêmes valeurs.
Alexandre Kauffmann mêle ici autofiction et transposition, polar et réflexion générationnelle, satire et autoportrait, le tout à l’acide, servi par une écriture efficace. A la fin, la boucle est bouclée, et il repartira. J.-C. P.