Les sœurs Elfi et Yoli forment un joli duo depuis leur plus tendre enfance. Complices, ces inséparables ont évolué dans une communauté particulière : les mennonites, aux règles strictes. Mais cette famille atypique n’était pas du genre à se laisser "menotter" par ce mode de vie restreint. "Peut-être sommes-nous des aventuriers. Peut-être sommes-nous des fous", constate la narratrice.
Elle observe son aînée rivée au piano. Un véritable exutoire pour Elfi, qui souffre de "tristesse objective". Aussi constitue- t-elle le pôle d’attraction des siens. Quelle chape de plomb pour Yoli, chargée de sa protection permanente ! L’angoisse l’anime en sourdine au point d’entraver son existence d’adulte. Devenue auteure pour la jeunesse, cette mère dépassée cumule les échecs conjugaux. "Tu penses que nous sommes seulement la somme de nos souvenirs ?" interroge Elfi. Pourquoi la pianiste reconnue enchaîne-t-elle les tentatives de suicide ? Une pathologie qui a déjà frappé plusieurs membres de sa famille, comme si un cerf-volant menaçant planait constamment sur ces êtres fragiles.
Dans cette autofiction romancée, la journaliste canadienne Miriam Toews ose aborder des thèmes dérangeants, avec finesse et fluidité. Comment aider de grands dépressifs sans se laisser aspirer par leur tentation du vide ? Pourquoi les arracher aux griffes de Thanatos, s’ils veulent s’y lover ? "Nous sommes tous capables de nous battre avec acharnement, mais nous avons aussi le droit de nous avouer vaincus." Loin d’être larmoyante, cette histoire de deux sœurs est d’une douceur, d’une pudeur et d’une drôlerie inattendues. "La vie, c’est la vie, qu’il se passe des choses ou non."K. E.