TOUS est un roman complexe, technique, ambitieux, politique au sens large et générationnel en ce sens où il traduit parfaitement les interrogations existentielles, les doutes, le malaise des Européens d’aujourd’hui, auxquels l’auteur, né en 1978, appartient, tout comme ses personnages principaux.
Le livre, en trois parties, débute avec les Mémoires posthumes de Carolina Gracq. Une Belge, née à Liège en 1977, infirmière pour MSF. En mission à Kaboul en 2009, elle travaille avec le médecin français Romuald Solis, né à Cognac en 1972. Ils deviennent amants, puis amis.
De retour en Belgique, ils rencontrent Rémy Thiers, né à Louvain en 1978, un journaliste à la RTBF farouchement indépendant, qui ne mâche pas ses mots. Les deux garçons, qu’elle surnomme Romulus et Remus, vont devenir, en 2012, en quelque sorte les consuls de TOUS, un mouvement révolutionnaire, transnational, une utopie politique fondée sur la démocratie directe, qui, à la surprise générale, va conquérir plusieurs pays d’Europe de l’Ouest. Solis, le lecteur de pléiades, porté par les idéaux de la Révolution française et son admiration pour de Gaulle, va devenir le premier président de la VIe République. Thiers, lui, leader de EO, l’antenne belge de TOUS (en Italie, c’est TUTTI), Premier ministre. Carolina, pour sa part, qui, à Liège, a courageusement maîtrisé un terroriste, gravement blessée et mutilée à vie, se fait le porte-drapeau, l’égérie martyre du vaste mouvement. Sur le point de mourir, elle confie ses Mémoires à un dictaphone. Quelques années plus tard, ses restes seront transportés au Panthéon, avec ceux de Solis, assassiné par un fanatique. Mais Martine Mignon lui a succédé à la Présidence.
La deuxième partie, plus ardue, est constituée des Mémoires d’Eleftherios Viridis, un homme politique grec mort en 2015. Ambassadeur, puis commissaire européen à l’énergie, il a contribué à la fulgurante ascension de son fils Iannis, un glandeur devenu le chef du parti Metanoïa, porté lui aussi au poste de Premier ministre, à Athènes. Le père compte, pour tirer la Grèce du marasme, sur un contrat d’exploitation de gaz en mer Baltique. Il œuvre en ce sens, se compromet, et est tenu pour responsable d’une marée rouge où meurt Adam Dudek, un jeune plongeur polonais autiste et surdoué. A Bruxelles, son père, Bogan, obtiendra une commission d’enquête et la déchéance de Viridis.
Fin de l’épilogue et de cette fiction puissante qui puise ses racines dans la réalité, les différents mouvements alternatifs qui ont tenté de renouveler la vie politique de l’Europe : Indignés, Podemos, Syriza, Nuit debout, Cinque Stelle… Avec, pour l’instant, des fortunes diverses. A part la Grèce, où l’expérience est contrastée, ils ne sont pas au pouvoir. Voire en ont peur. Où sont Romulus et Remus ?
J.-C. P.