22 mai > Récit France > Metin Arditi

Depuis Roland Barthes, on ne peut plus s’y tromper : "Il n’est pays que de l’enfance." Le reste n’est qu’affaire d’état civil. Et pour Metin Arditi, de souvenirs, d’exils, de refuges et de livres. C’est de cela dont il serait d’abord question dans Mon père sur mes épaules, pas de côté élégant et autobiographique dans une œuvre rayonnant des vertus du romanesque, de tout ce qui fait que parfois être un fils ne sert à rien qu’à éprouver les liens de l’amour, à exercer un apprentissage du métier d’écrivain.

C’est donc l’histoire d’un gamin d’Istanbul, de sa communauté juive. Un garçon qui aime sa mère, qui admire son père (ce qui est, en somme aussi, l’un des visages de l’amour), un enfant chez les heureux du monde. Du moins, jusqu’au jour - il vient d’avoir 7 ans - où il est expulsé du paradis et envoyé en pensionnat en Suisse. Il y restera jusqu’à ses 18 ans avec, comme perché sur son épaule, ange gardien évanescent, présent autant qu’absent, bienveillant autant qu’indifférent, son père. Entre-temps, il y aura la petite éternité d’une enfance, d’une jeunesse, le temps long des vacances loin des siens, l’apprentissage de la solitude ; le tout traversé d’éclats de vie et de bonheur, comme John Kerry, ce grand Américain qui apprend à Metin le football de son pays, ou l’amour avec Géraldine, la fille de Chaplin et les moments volés au monde passés au manoir de Ban, l’immense propriété helvète du génie vagabond. Metin Arditi a l’élégance rare d’ouvrir son sac à souvenirs ni comme un nouveau riche laissant voir combien il est garni, ni comme un nécessiteux de la mémoire quémandant du lecteur qu’il se souvienne pour deux. Ce gosse de riches l’est d’abord du regard posé sur lui par un homme imparfait, qui vaut tous les autres et qu’aucun ne vaudra jamais. Son père. O. M.

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