5 avril > roman Espagne > Santiago Pajares

"Je m’appelle Ionah. J’ai vingt et un ans et depuis l’âge de douze ans je n’ai parlé qu’à moi-même." Ce jeune garçon se remémore son enfance singulière en plein désert. Il décrit l’unicité d’un lieu, planté au milieu des dunes à perte de vue. L’unicité d’un temps en suspens, dominé par les éléments d’une nature impétueuse. C’est dans ce décor implacable qu’il évolue avec sa mère. "Dans un monde de sable, elle me montra comment avoir un cœur de pierre. Elle savait lire les courants de l’air. Mère était plus maligne, elle savait créer ce qui n’existait pas auparavant, pour assurer notre survie."

Cette louve ne le couve pas, mais elle distille tout son amour dans une poésie de la vie, qui trahit sa sensibilité. Celle-ci a été mise à rude épreuve, alors elle préfère épargner son petit. Le désert n’étant pas tendre, mieux vaut être armé pour l’affronter. L’eau ou la viande visqueuse du lézard ne doivent rien au hasard. Il faut savoir les saisir à bras-le-corps. Un appentis de fortune leur sert d’abri. Loin d’être effrayé par ces conditions rudimentaires, le petit apprenti de la vie ne cesse d’explorer la beauté des paysages. Ionah a une telle soif de connaissance ! Un appétit que sa mère attise en lui apprenant à écrire. "Pour moi les mots les plus importants sont ceux qui restent à venir." Ils ont aussi le pouvoir de raviver le monde d’avant. Celui qui a été balayé par une tempête, déclenchée par les humains. Cette catastrophe a tout emporté, si ce n’est les souvenirs de sa mère. Son évocation de la fragrance des fleurs ou de la douceur de l’homme aimé éveille l’imaginaire de l’enfant. Mais il est aussi conscient des ravages de la guerre. Sa mère en porte les stigmates, qui finissent par l’emporter. Ionah est désespéré, mais leurs dialogues époustouflants se poursuivent bien au-delà de la mort. "La foi c’est ce qui te reste quand tu n’as plus rien." Grâce à son apprentissage, l’enfant sauvage a tout d’un grand sage. "Alors, je suis un homme ? Certains ne le deviennent jamais."

La force de sa mère l’éclaire telle une lanterne dans le désert. Alors qu’il souffre de relations lacunaires, il croise un être de chair. Shui est mourant, mais il renaît grâce aux soins prodigués par Ionah. Chacun ressemble à un extraterrestre aux yeux de l’autre. Qui est ce survivant ? Que transporte-t-il dans son sac à dos ? Plus que jamais, le héros - devenu grand - découvre l’importance des mots et de l’écriture. Comment rencontrer son destin, tout en restant le gardien de son histoire ?

Informaticien, l’écrivain espagnol a déjà produit plusieurs romans et courts-métrages. Ici, il réussit une prouesse littéraire : un Petit Prince poétique, qui flirte parfois avec le côté aventureux de Barjavel. "Mystérieuse, la force est en vous, mais ne vous appartient pas. Car personne ne peut vous préparer à survivre à vous-même." K. E.

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