Au début, il y a le beau ciel au-dessus de Londres, des Union Jack aux fenêtres, un mariage à venir et une femme qui doucement s'en va. Allongée sur la chaussée. Renversée par une voiture. Eté 1981, Juliette Armstrong n'assistera pas aux noces du prince de Galles. Celle qui gît là en murmurant dans son dernier souffle, « Cette Angleterre... », est pourtant l'incarnation même des vertus séculaires de la perfide et délicieuse Albion. La preuve, c'est une espionne. On ne fait pas plus britannique.
Tout a commencé en 1940, lorsque cette jeune femme, née de père inconnu et qui vient de perdre sa mère adorée, est recrutée pour quelque mystérieuse raison par les services de renseignements anglais. Son premier travail, parfois rébarbatif, consiste à assurer la transcription des conversations que tiennent dans un appartement truffé de micros de médiocres sympathisants du régime nazi et du parti fasciste d'Oswald Mosley. Bientôt, il lui sera demandé de se trouver un alias, s'inventer une nouvelle vie et une identité, pour infiltrer ces mêmes milieux. Puisqu'elle n'avait pas vraiment commencé à vivre, ombre parmi les ombres, Juliette va se sentir parfaitement chez elle dans cet « entre chien et loup ». Le lecteur va la retrouver près de dix ans plus tard. Alors qu'elle est devenue productrice à la BBC (l'autre mamelle du « rule Britania » avec le MI5), son passé va resurgir. Un soir, elle avise sur un trottoir la silhouette d'un homme qu'elle croit reconnaître. La ronde des spectres va alors recommencer, un peu assourdie certes, mais semblable dans son essence même puisque, après tout, il est des guerres qui ne finissent jamais tout à fait.
Avec Transcription, Kate Atkinson poursuit dans la veine, romanesque et profondément réflexive (empreinte d'un rien d'ironie très « matter of fact ») qui était déjà celle d'Une vie après l'autre (Grasset, 2015) et de L'homme est un dieu en ruine (Lattès, 2017). Sa Juliette, qui se perd en autant de fragments d'identités, rappelle que depuis Conrad et Greene la figure de l'espion est une métaphore de celle du romancier. Les choses et les gens ne sont jamais tout à fait ce qu'ils ont l'air d'être. C'est après tout pour ça aussi que l'on a inventé la littérature.
Transcription - Traduit de l’anglais par Sophie Aslanides
JC Lattès
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 22 euros ; 400 p.
ISBN: 9782709661874