Jusqu’à sa mort, en 1987 à Saint-Paul-de-Vence, James Baldwin travaillait à un essai sur les Etats-Unis, son pays malgré tout ce qu’il avait à lui reprocher, vu à travers les portraits de trois de ses amis : Medgar Evers, Malcolm X et Martin Luther King. Trois grandes figures de la lutte pour les droits civiques des Noirs américains, qui ont payé leur engagement de leur vie. L’écrivain en faisait des martyrs de la cause noire, et voulait revenir au pays rencontrer leurs familles. Même si lui-même n’a jamais été "Black muslim" ni "Black panther", Baldwin, noir et gay, portait sur l’Amérique raciste, ségrégationniste, homophobe, bigote, un jugement sévère, prenant tôt conscience que "[ses] compatriotes étaient [ses] ennemis", et choisissant l’exil, en France, dès 1948. La France, où son œuvre a été traduite et célébrée, tout comme l’auteur, fait commandeur de la Légion d’honneur par François Mitterrand en 1986.
Mais depuis sa mort, selon le réalisateur haïtien Raoul Peck, qui vient de consacrer à Baldwin une espèce de docu-fiction sur cette histoire, à partir de ses textes inédits qu’il publie tels quels, I am not your negro, nous aurions oublié le romancier de La conversion, son chef-d’œuvre, paru en 1953. Mais nombre de rééditions, chez Rivages et chez Stock, viennent opportunément réparer cette injustice. Le film devrait aussi accélérer cette résurrection. D’un autre côté, on aimerait bien savoir comment James Baldwin est considéré aujourd’hui chez lui, dans l’Amérique de Donald Trump. J.-C. P.