2 novembre > Nouvelles Grande-Bretagne > William Boyd

Il y a quelque chose de troublant chez William Boyd. Une élégance sans façon qui ne se paye ni de mine ni de mode. Dans sa génération et au titre des romanciers anglais, la critique la plus avertie fera plus de cas d’un Barnes, d’un McEwan, d’un Ishiguro ou d’un Amis (tous par ailleurs, cela va de soi, hautement estimables). Et pourtant… Et pourtant, le charme né lors de la lecture d’Un Anglais sous les tropiques ou de Comme neige au soleil (Balland, 1984 et 1985), trente ans plus tard ne s’est pas dissipé. Mieux même, il s’est densifié au fil des livres, jusqu’à laisser dévoiler une œuvre tout entière dédiée aux privilèges de la fiction, travaillée par les spasmes de l’Histoire au siècle dernier, ses correspondances secrètes et le spectre de la déshumanisation. Le tout sans esprit de démonstration et en se préoccupant si peu d’être moderne qu’il court le risque de le devenir… Bref, outre-Manche, William Boyd est peut-être celui qui reste alors que beaucoup sont déjà oubliés ou menacent de l’être. Pourquoi ? Parce que, chez lui, écrire des livres semble participer d’un principe de plaisir transmissible au lecteur, et surtout parce qu’il est indéfectiblement juste. S’il faut à cette sensation une démonstration, Tous ces chemins que nous n’avons pas pris (titre français qui n’ajoutera rien aux qualités du livre…), le recueil de nouvelles qu’il publie cet automne, nous en offrira une.

Un marchand d’art, séducteur invétéré, ne s’autorise en matière d’adultère que des baisers volés ici et là. Un couple se retrouve par hasard quelques années après sa séparation et revit à l’envers le fil de son histoire. Un casque bleu allemand, basé en Afrique, va vivre une étrange histoire avec un singe rôdeur, chapardeur et amputé. Quelque part dans le sud-ouest de la France, un écrivain humilié va se venger d’un critique littéraire qui l’a malmené. Un cinéaste imbu de lui-même va vivre sa vie de Charybde en Scylla. Un homme revisite sa biographie à travers tous les vols qui en sont comme autant d’étapes. Et au cœur du livre, une jeune femme de 24 ans, Bethany Mellmoth, va durant un an prendre ses désirs pour des réalités et essayer de se découvrir elle-même.

Ce sont là quelques-unes des nouvelles qui parsèment ce recueil comme autant d’éclats de vie, d’irruptions du réel au cœur même de la fiction. S’il est vrai que l’ambition de Boyd n’est pas ici de la même nature prométhéenne que pour ses plus grands romans et fresques historiques, elle n’en est pas moins bien présente. Le nouvelliste se fait tour à tour cruel et tendre, dressant un état des lieux des solitudes urbaines de ce temps. Toutes ces vies sont minuscules, ces arrangements avec la vérité pathétiques. Ce qui les sauve, c’est la littérature. La transfiguration de l’or en plomb et du banal en destin. Olivier Mony

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