Mercredi 16 août, 9 h 30, à Compiègne : la librairie des Signes rouvre ses portes après quinze jours de vacances. La journée est censée être marquée par l’arrivée des premières nouveautés de la rentrée littéraire. Camille Defourny, sa gérante, attend par exemple Mercy, Mary, Patty de Lola Lafon (Actes Sud), La Fontaine, une école buissonnière d’Erik Orsenna (Stock) ou encore Le jour d’avant de Sorj Chalandon (Grasset), annoncés pour le 16 août. Toutefois, elle ne verra arriver aucun carton de la rentrée littéraire ce jour-là. Les huit qui ont été livrés dans la matinée concernent des réassorts ou des commandes clients… "Nous recevrons les premières nouveautés demain, assure Camille Defourny, à la tête de la seule librairie généraliste indépendante de Compiègne, qu’elle a reprise en octobre dernier. Nos livraisons ont lieu le mardi et le jeudi. Or, hier était une journée fériée et, mi-août, tout le monde fonctionne avec des effectifs réduits. Du coup, notre transporteur Geodis nous livrera sans doute tout d’un seul bloc demain." En effet, 26 colis arriveront jeudi 17 août. Traités dans la foulée, les titres seront mis en place dès la mi-journée.
"Nous avons bien préparé le terrain cet été, observe la jeune chef d’entreprise. En juillet, nous avons progressivement aéré les rayonnages en effectuant de nombreux retours, sans pour autant vider les étagères ! Aujourd’hui, nous sommes prêts à accueillir les nouveautés. Bon nombre iront sur les tables, tandis que la plupart des titres qui y sont encore rejoindront les étagères ou partiront au retour."
Bien qu’expérimentée, Camille Defourny, qui a créé la librairie francophone Latitudes à Budapest et a été responsable du rayon sciences humaines chez Comme un roman à Paris, reconnaît avoir "un trac monstrueux" pour cette première rentrée aux Signes en tant que patronne. "Je ne dors plus depuis deux jours. Je vis cela comme un examen de passage, une validation de ma façon de travailler mais aussi de mon flair de libraire."
Coups de cœur
Pour mettre toutes les chances de son côté, elle a déjà "beaucoup lu", avalant "jusqu’à deux livres par jour" pendant ses vacances. "Je n’ai lu, comme d’habitude, que ce que j’avais envie de lire et, si je n’étais pas convaincue par les trente premières pages, j’abandonnais. Mais, cette année, j’ai eu la main heureuse… avec pleins de coups de cœur", explique la jeune quadra. Et de citer : Les vacances de Julie Wolkenstein (P.O.L), Luwak de Pierre Derbré (Alma), Souvenirs de la marée basse de Chantal Thomas (Seuil), Femme à la mobylette de Jean-Luc Seigle (Flammarion), Le livre que je ne voulais pas écrire d’Erwan Larher (Quidam) ou encore Réveiller les lions d’Ayelet Gundar-Goshen (Presses de la Cité). "Pour autant, je sais que je ne dois pas être trop pointue dans mes propositions. Les Signes est une librairie généraliste indépendante de 400 m2 et c’est la seule pour une zone de chalandise de 75 000 habitants." Sachant que les premiers clients pour la rentrée romanesque ne se manifestent généralement guère avant fin août, la jeune gérante pourra encore ajuster ses commandes en fonction des échos médiatiques, des ventes de ses confrères enregistrées sur Datalib, mais aussi sur l’observatoire de la librairie.
A défaut de rentrée littéraire dans ses rayons, la libraire, qui vend aussi des livres scolaires, procède, ce mercredi 16 août, à quelques livraisons auprès des écoles, même si l’essentiel des commandes a déjà été livré en juillet. C’est Patrice Boulefroy, coursier salarié des Signes, qui s’en occupe. A 11 heures, avec l’aide de sa patronne, il charge une vingtaine de cartons de manuels dans la nouvelle camionnette achetée cet été. "Le poste de Patrice est important, assure Camille Defourny. C’est un vrai plus de pouvoir proposer les livraisons aux collectivités. Au dernier exercice 2016-2017, avec la réforme des manuels, les ventes à terme ont ainsi représenté 35 % de notre chiffre d’affaires." Celui-ci ayant grimpé au global à 1,9 million d’euros, contre 1,4 million en 2015-2016 (avant la reprise).
Mais la journée du 16 août est aussi marquée par l’arrivée d’une nouvelle apprentie de l’Institut national de formation de la librairie (INFL), Ophélie, qui doit effectuer un stage de deux ans aux Signes. Camille Defourny lui explique les premiers rudiments, notamment comment se servir du logiciel de gestion pour enregistrer les titres qui arrivent et vérifier leur conformité par rapport aux avis d’expédition. "Avant, il y avait un "metteur à part", mais le travail de manutention et de réception est important. C’est pourquoi je souhaite que l’ensemble des libraires s’y collent afin qu’ils voient tout ce qui arrive dans la librairie et pas uniquement dans leur département. Et puis ouvrir un carton, c’est toujours un peu Noël !" Avec des commandes dont le montant devrait s’élever pour cette rentrée (en tenant compte du scolaire) à près de 400 000 euros, le plaisir de découvrir les livres s’annonce intense.
Pour l’heure, l’équipe, dont quatre des sept salariés sont revenus de vacances, gère le quotidien : ranger les réassorts dans leurs rayons, répondre aux demandes des clients, préparer, grâce au picking en magasin, les commandes reçues sur Internet.
Présente elle aussi dans les rayons pour s’occuper des clients, Camille Defourny rejoint de temps en temps son bureau situé dans la réserve afin de s’occuper des tâches administratives : vérifier les factures, dépouiller le courrier du matin. "Je tiens à le faire moi-même, précise-t-elle. Cela me permet d’être au courant de tout."
Livrée le 17 août
C’est aussi à son bureau, lorsque le magasin a fermé ses portes, qu’elle finit sa journée. "Comme d’habitude, après la caisse, je fais le journal des ventes et j’envoie les commandes." Le lendemain, jeudi 17 août, elle verra arriver les premiers cartons de rentrée littéraire et aura deux rendez-vous avec des représentants, en l’occurrence d’Harmonia Mundi et de Robert Laffont, pour parler des nouveautés littéraires d’octobre et des livres pour Noël. "Je prévois d’y consacrer presque trois heures, anticipe-t-elle. C’est beaucoup, mais ce sont des rendez-vous indispensables. Non seulement pour bien se repérer dans la production, mais aussi pour faire venir des auteurs… même si pour l’heure ce n’est pas ma priorité." Un an quasiment après la reprise de la librairie, Camille Defourny attend avec impatience l’installation, prévue en septembre, d’une nouvelle devanture et d’un nouveau logo pour son magasin.