Le metteur en scène Luc Bondy, directeur du Théâtre de l'Odéon, est décédé d'une pneumonie samedi 28 novembre à Paris à l'âge de 67 ans, après avoir été confronté toute sa vie à la maladie.
Luc Bondy était un pur produit de la Mitteleuropa dont il avait le raffinement et l'éclectisme. Né en 1948 à Zurich, fils d'intellectuels juifs d'origine allemande et austro-hongroise, élevé en Suisse et en France, il a débuté sa carrière en Allemagne, a dirigé la célèbre Schaubühne de Berlin et le Festival de Vienne pendant douze ans, avant de revenir à Paris il y a trois ans prendre la direction de l'Odéon-Théâtre de l'Europe.
Cet homme au regard vif ne se promenait jamais sans un livre, en français ou plus souvent encore en allemand. Parfait bilingue, il avouait ne plus savoir dans quelle langue il rêvait.
Une œuvre prolifique
En 45 ans, Luc Bondy aura mis en scène plus de 60 pièces et 16 opéras sur toutes les grandes scènes d'Europe, adaptant aussi bien Gombrowicz, Botho Strauss, Shakespeare, Schnitzler et Tchekhov que Molière, Marivaux dont il se disait "
addict" et l'auteure contemporaine Yasmina Reza. Il a aussi réalisé trois films et scénarisé deux longs métrages.
Par ailleurs, il a été l'auteur de quelques livres en allemand :
Dites-moi qui je suis pour vous (Grasset, 1999, traduit par Jean Ruffet), à la fois autobiographique et témoignage de son époque,
Mes dobbouks (Bourgois, 2006, traduit par Olivier Mannoni), livre de mémoires où il évoque son père, son enfance, ses amis et sa maladie,
A ma fenêtre (Bourgois, 2009, traduit par Olivier Mannoni), roman où il met en scène un sexagénaire inquiet devant le vieillissement du monde, et
Toronto (Bourgois, 2014, traduit par Daniel Loayza), recueil de poèmes.
Luc Bondy a également été l'objet d'un essai avec
La Fête de l'instant, livre d'entretiens paru chez Actes Sud en 1996 et réédité en 2012, où il dialogue sur son métier avec George Banu.
Enfin, Richard Millet avait écrit
Charlotte Salomon, livret d'opéra publié par Pierre-Guillaume de Roux en 2014, et accompagné d'une lettre à Luc Bondy, qui signera par la suite la mise en scène de l'œuvre composée par Marc-André Dalbavie au festival de Salzbourg.
Une vie nomade malgré la maladie
A 25 ans, un premier cancer le frappe. Il en aura plusieurs. Les ennuis de santé ponctueront toute sa vie: en 2009, il dirigera depuis un lit sur scène des répétitions à l'Opéra de Paris. Il parcourt à ses débuts l'Allemagne en montant Genet, Ionesco, Goethe, Fassbinder lui confie
Liberté à Brême (1972) et la renommée internationale arrive en 1973, avec
La mer d'Edward Bond à Munich.
De 1974 à 1976, il travaille à Francfort puis Peter Stein l'appelle à la Schaubühne. Il commence alors à conjuguer théâtre et opéra, avec
Lulu de Berg (1977) à Hambourg.
Luc Bondy renoue avec la France en 1984 grâce à Patrice Chéreau qui dirige alors le Théâtre des Amandiers de Nanterre: il y monte
Terre étrangère d'Arthur Schnitzler, dont il tirera en 1988 l'un de ses trois films. En 2000 à Vienne, il monte
Trois vies de Yasmina Reza, auteure qu'il retrouvera régulièrement. Puis prend en 2001 la direction du prestigieux Festival de Vienne qu'il gardera douze ans. En 2012, il est nommé à la tête du Théâtre de l'Odéon, après une vive polémique liée à la non-reconduction de son prédécesseur Olivier Py, qui prendra dans la foulée la direction du Festival d'Avignon.
Il y a invité les plus grands metteurs en scène européens (Ivo van Hove, Romeo Castellucci, Thomas Ostermeier, Peter Stein ...), il fait entrer à l'Odéon la jeune génération française, Jean Bellorini, Julien Gosselin, Thomas Jolly. Ses propres mises en scène à l'Odéon sont des succès:
Les fausses confidences avec Isabelle Huppert et Louis Garrel,
Tartuffe avec Micha Lescot, également à l'affiche d'
Ivanov avec Marina Hands.