« À partir d’une remarque avisée de Charles Baudelaire, nous proposons d’établir une parenté spirituelle entre l’œuvre de Balzac et de Daumier, pour rentrer dans l’un par le biais de l’autre », raconte Yves Gagneux, directeur de la Maison de Balzac à Paris et commissaire de la nouvelle exposition « Balzac, Daumier et les Parisiens ». Du 22 novembre au 31 mars 2024, celle-ci s’invite au sein de la maison occupée, de 1840 à 1847, par l’auteur de La Comédie Humaine et met en perspective les œuvres des deux artistes.
Car si tout laisse à penser que les deux Honoré se sont probablement croisés dans les rédactions ou chez les éditeurs parisiens qu’ils fréquentaient, rien n’affirme formellement qu’ils se soient rencontrés ou liés d’amitié. Pourtant, chacun semblait porter un même regard sur la société parisienne de l’époque. Avec son ambitieuse Comédie humaine, Balzac s’était lancé, à la manière d’un scientifique, dans une classification d’espèces sociales. « Ses descriptions, souvent définies comme d’un ennui profond, donnent à voir une pensée caricaturale faite de traits caractéristiques qu’on appellerait aujourd’hui ‘marqueurs sociaux’ », précise Yves Gagneux. Des marqueurs parfois grossiers, souvent amusants, aussi repérés dans l’œuvre gravée de Daumier.
Des œuvres sociologiques
Traits fins, têtes hors normes, les personnages du caricaturiste parodient le petit peuple parisien du XIXe siècle. Retravaillées dans ses peintures – dont cinq figurent dans l’exposition – ces représentations stéréotypées retrouvent « une dimension sociologique commune à l’œuvre de Balzac », poursuit le commissaire. Le musée consacre donc quatre salles à une soixantaine de gravures thématiques de Daumier, autrefois publiées dans Le Charivari, La Chronique de Paris ou dans La Caricature, dont Balzac était le rédacteur en chef. Concierges, cuisinières, employés ou petits commerçants y sont représentés dans l’environnement parisien – cafés, restaurants, transports urbains - de l’époque.
Pour enrichir l’observation de ce peuple de la capitale, l’exposition présente également des dessins de caricaturistes, illustrateurs et dessinateurs de presse contemporains, à l’instar de Belom, Coco, Fabrice Erre, Faro ou encore Gab. Chacun d’entre eux dépeignant un quotidien parisien qui, un siècle et demi plus tard, semble ne pas avoir tant bougé.