25 avril > Essai France > Marc Abélès

Par vocation, les anthropologues aiment bien les endroits bizarres. Au siècle dernier, Marc Augé avait lancé le mouvement de l’exotisme de proximité avec Un ethnologue dans le métro (Hachette, 1986). Marc Abélès (CNRS-EHESS) s’intéresse, lui, à un territoire assez peu arpenté par les usagers des transports en commun: celui du luxe.

Cet élève de Claude Lévi-Strauss le fait avec une certaine audace, les sciences sociales s’intéressant davantage à la misère du monde qu’au bonheur des riches. Il faut dire que dans cette contrée hors de prix, le réel semble aboli. Même du calme et de la volupté, il ne reste plus rien. Seule comptent la distinction, le fait de posséder le plus rare, le plus cher, le plus unique, ce qui explique la prédominance de l’art contemporain.

A l’appui de son exploration, Marc Abélès fournit quelques chiffres édifiants. Dans le sillage d’un Georges Bataille, il montre que le luxe n’est jamais loin de la luxure, donc de la transgression. Le luxe, c’est l’accès à l’excès. En ce sens, il contrevient à la normalité.

A-t-il joué un rôle déterminant dans la montée en puissance du capitalisme? Marc Abélès le pense, en écho aux travaux du sociologue allemand Werner Sombart. Sa justification relève du fétichisme de la marchandise, pour reprendre une image marxiste, et l’industrie du luxe est bien réelle, très profitable, mais doit faire preuve de créativité pour se maintenir.

Une chose est sûre: cette société est intimement liée à la domination financière. Après Les nouveaux riches (Odile Jacob, 2002) et Un ethnologue à l’Assemblée (Odile Jacob, 2000), Marc Abélès poursuit sa vaste enquête sur les symboles du pouvoir. L. L.

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