Quelques chiffres suffisent à montrer l’ampleur du phénomène. Un milliard d’armes sont en circulation dans le monde : 26 millions pour la police, 200 millions pour l’armée et 650 millions pour les civils. Un rapide calcul montre qu’il en reste encore 124 millions ailleurs. On les retrouvera dans l’incroyable enquête de Iain Overton. Ce journaliste britannique a parcouru le monde pour rencontrer les marchands (plus de cent pays en vendent pour 8,5 milliards de dollars par an), les lobbyistes (tels que la National Rifle Association aux Etats-Unis), les utilisateurs (gangsters, chasseurs, policiers, tireurs sportifs) et les victimes de plus en plus nombreuses de ce vaste marché des armes à feu.
Faits divers, interviews et reportages s’imbriquent avec habileté pour composer une grande fresque de cette mondialisation de la mort par balles. Du Brésil à la Norvège, du Honduras à l’Afrique du Sud, des îles Salomon à l’Irak, chez les trafiquants en Ukraine ou dans les salons internationaux où l’on vend de la mort à la tonne, Iain Overton a sillonné la planète des flingues toujours plus meurtriers. Le 2e amendement de la constitution américaine a été conçu à l’époque des fusils à un coup. Aujourd’hui, l’AK-47, la Kalachnikov des terroristes qui s’achète à moins de 50 dollars, est une machine de guerre qui provoque des massacres.
On sort un peu sonné de la lecture de ce voyage rouge sang qui soulève des problèmes politiques, économiques et moraux. Gun baby gun vise juste. Et ça fait mal. L’édition française est d’ailleurs dédiée aux victimes des attentats de Paris. Laurent Lemire