Maxence Caron est un philosophe qui navigue entre saint Augustin, Hegel, Heidegger et Philippe Muray. Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, il a préfacé et établi l’édition des Sermons sur l’Ecriture de saint Augustin (Laffont, "Bouquins", 2014), et dans les 600 pages de L’insolent (Nil, 2012) il a montré que les chemins les plus escarpés ne lui faisaient pas peur.
Il récidive ici dans un ouvrage où se mêlent plusieurs registres comme dans un opéra. Entre une ouverture frénétique et un final en forme de long poème héraclitéen se glissent cinq essais copieux sur le premier volume du journal intime de Philippe Muray (Ultima necat, Belles Lettres, 2015), sur Richard Wagner, Glenn Gould, Jean-Jacques Rousseau et saint Augustin.
En sept étapes, Maxence Caron avance, titubant dans les méandres de son savoir comme Claude Nougaro sur la scène. Ce qui est agaçant devient au fur et à mesure fascinant. Son écriture inventive - surtout dans l’introduction - s’emballe parfois dans les néologismes, s’emberlificote, se prend les pieds dans le tapis des idées, se redresse et poursuit sa lutte finale contre un ennemi qui n’est pas vraiment nommé mais que l’on situe plutôt à gauche.
De L’art comme résistance à l’implication politique raconte la solitude du penseur de fond, celui qui va au bout de ses incertitudes pour se trouver dans un monde désenchanté. "Il y a des gens qui vont aujourd’hui jusqu’à estimer la valeur d’un pays comme s’il existait une salle des ventes pour s’en débarrasser ou en faire l’acquisition."
Maxence Caron est une sorte de Mehdi Belhaj Kacem qui aurait un peu trop lu Philippe Muray. Mais il y a du souffle chez ce jeune philosophe né en 1976 qui envisage l’art comme une résistance à la vie politique. On le lira donc comme un livret bizarre sur ce début de XXIe siècle qui découvre que le maintenant, c’est changeant. L. L.