La Cour de cassation a statué, le 15 décembre dernier, sur une question souvent débattue en justice, lorsqu’un éditeur de livres est poursuivi, notamment en diffamation. Les hauts magistrats se sont notamment penchés sur le statut du dépôt légal, à l’occasion d’une procédure intentée à l’encontre d’un ouvrage publié par les remarquables éditions de l’éclat et intitulé L’Harmonie du monde. Histoire d’une idée de Léo Spitzer - précisions aussi, pour la beauté du minimalisme, que c’est dans… une note de bas de page qu’était contenu le texte litigieux.
Or, les « délits de presse » suivent un régime particulier de prescription des poursuites. Selon les termes de l’alinéa premier de l’article 65 de la loi de 1881, « l’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte de poursuite, s’il en a été fait ». Le délai de prescription, qui court du jour de la sortie du livre ou du journal, est donc relativement court.
C’est pourquoi les avocats bataillent souvent pour déterminer à quelle date le livre est réellement paru. Et recourent, pour les uns aux « offices », pour les autres au dépôt légal, pour d’autres encore à des attestations de distributeurs, etc. Le but est de savoir si l’action, en diffamation par exemple, a été enclenchée dans le délai de trois mois. Car, bien souvent, celui qui s’estime diffamé attend la dernière minute pour assigner ou porter plainte, afin de ne pas assurer trop de publicité à un livre à peine paru…
La Cour de cassation a donc enfin jugé que « l’accomplissement de la formalité du dépôt légal n’établit aucune présomption que la publication ait eu lieu à cette date et ne doit être tenu que comme un élément d’appréciation ».
Rappelons aussi que la loi du 29 juillet 1881, officiellement baptisée loi sur la liberté de la presse, proclame en son article premier ladite liberté. Mais elle est contrariée par les dizaines d’autres articles qui la composent et détaillent les délits de diffamation, de provocation aux crimes et délits ou d’offense au président de la République. Très nombreuses sont encore les autres dispositions qui permettent de censurer un texte.
Et, parallèlement à un certain nombre d’interdictions, la loi de 1881 contient des dispositions générales sur le régime des délits de presse.
Qui peut-être responsable?
Concernant les seuls délits recensés par ce texte, sont ainsi responsables : le directeur de publication ou à défaut l’éditeur, et l’auteur; à leur défaut, l’imprimeur, le vendeur, le distributeur ou l’afficheur. Les propriétaires des maisons d’édition sont responsables des condamnations pécuniaires des directeurs de publication, éditeurs et auteurs au profit de tiers. Il est à noter que le mécanisme classique de responsabilité, qui s’applique à toutes les autres situations, diffère très peu de celui de la loi de 1881. Les sanctions peuvent être aussi bien pénales (peines d’emprisonnement, par exemple) que civiles (dommages et intérêts), de même que l’action en justice peut être intentée devant des juridictions civiles ou pénales.
L’enjeu du point de départ du délai de prescription est donc crucial.