L'Obs a annoncé ce matin le décès de son fondateur Jean Daniel, écrivain et journaliste. Il avait 99 ans. "
Il fut à la fois un témoin, un acteur et une conscience de ce monde", écrit l'hebdomadaire.
Récipiendaire de plusieurs prix, dont le prix Prince des Asturies en 2004, la Grande médaille de vermeil de la Ville de Paris, le prix Albert-Camus en 1994, Grand officier de la Légion d'honneur depuis 2012, Croix de guerre, commandeur dans l'ordre des Arts et des lettres, il avait fondé l'hebdomadaire
Le Nouvel Observateur en 1964. L'intellectuel y était toujours éditorialiste, consacrant
son dernier billet à Claire Bretécher, disparue il y a une semaine, qu'il avait recrutée en 1973 pour croquer les "bobos de gauche", ce qui donnera
Les frustrés.
Un journaliste engagé
Né le 21 juillet 1920 à Blida, en Algérie, Jean Daniel, né Bensaïd, a rejoint le général Leclerc et participé à la Libération avant de suivre des études de philosophie à la Sorbonne. Après la guerre, il a fondé la revue Caliban, avec le soutien d'Albert Camus, puis a commencé à écrire dans L'Express, où il couvre la guerre d’Algérie. En 1963, il fait une interview de John F. Kennedy qui le rend mondialement célèbre. "Le président américain le charge d’un message pour Fidel Castro : c’est en compagnie du leader de la révolution cubaine qu’il apprend l’assassinat de Kennedy, le 22 novembre 1963", explique l'hebdomadaire.
En 1964, il reprend, avec l’industriel Claude Perdriel, France Observateur, qui devient Le Nouvel Observateur (aujourd'hui L'Obs), qui se fera une place dans la presse française avec des combats sociétaux et des opinions progressistes (légalisation de l'avortement, droit des homosexuels, antiracisme).
Des thèmes récurrents
Jean Daniel a écrit de nombreux livres depuis 1954, date de la publication chez Gallimard de
L'erreur ou la seconde vie de Sylvain Regard. Il a souvent prolongé ses activités journalistiques et ses opinions dans des essais historiques et politiques comme
L'ère des ruptures (Grasset, 1979) et
De Gaulle et l'Algérie (Seuil, 1986). Grand observateur de l'ère mitterrandienne, il a consacré à l'ancien président de la République plusieurs ouvrages parmi lesquels
Les religions d'un président (Grasset, 1988) et
Mitterrand l'insaisissable (Seuil, 2016). Mais ses sujets de prédilections étaient dans la lignée de ses opinions: la paix au Proche-Orient, l'Europe, la laïcité:
L'Ami anglais (Grasset),
Voyage au bout de la nation (Seuil),
Dieu est-il fanatique ? (Arléa),
Lettres de France : après le 11 septembre (Saint-Simon),
La Guerre et la paix : Israël-Palestine : chroniques, 1956-2003 (Odile Jacob),
Comment peut-on être Français ? (Frémeaux),
Demain la nation (Seuil) ou encore
Israël, les Arabes, la Palestine : chroniques 1956-2008 (Galaade).
Miroirs de sa vie
Jean Daniel a aussi compilé de nombreux éditoriaux, souvenirs et carnets autobiographiques dans divers livres
: Le Refuge et la source, Le temps qui reste, La blessure, Avec le temps, Soleils d'hiver, que Grasset a réunit dans
Œuvres autobiographiques, en 2002. A travers des interviews, des textes personnels ou encore le regard de personnalités qui le connaissent bien, il a défendu ses engagements, politiques et professionnels, sa vision du monde arabe et ses goûts en matière d'art dans
Miroirs d'une vie (Gallimard, 2013).
Et puis, il y avait son amitié avec Albert Camus, qu'il admirait mais avec qui il eut des désaccords sur la résolution du conflit algérien. Il en a parlé, dans une série de portraits où l'on croise Foucault, Sagan et Sartre, dans
Les miens (Grasset, 2009), préfacé par Milan Kundera, mais aussi dans
Avec Camus : comment résister à l'air du temps (Gallimard) et
Autour de Camus (Frémeaux).