Emmanuelle Collas, éditrice de Selahattin Demirtas, a publié une lettre aujourd'hui sur le site
Diacritik, pour réagir à la situation actuelle en Syrie, concernant les Kurdes, attaqués par l'armée turque.
Elle commence ainsi pour expliquer son cri d'alarme: "
Je suis éditrice, française née à Caen, habitant à Paris, mais depuis longtemps je me suis enracinée au Proche-Orient, dont j’aime les cultures, les terres, les langues… Aujourd’hui je me sens perdue, condamnée comme vous à assister impuissante au terrible massacre perpétré en toute impunité en ce moment même au Rojava…Tenir, c’est le mot qui me vient. Comment tenir, faire face, continuer d’espérer, avec quelles armes et quelles forces, croire que les choses peuvent s’améliorer ? Je pense aux morts, aux blessés, je connais certains de leurs visages, leur histoire, ils ne sont pas tous pour moi des Kurdes anonymes et perdus dans cette région avec la poussière, la fumée et le bruit de la guerre… Tenir, pour ma fille aussi, pour l’avenir."
"
Pour tenir, j’écris ce texte, une lettre." Elle rappelle qu'elle a traduit et publié le dernier ouvrage de Selahattin Demirtas,
Et tournera la roue, retenu dans la première sélection du Médicis. Kurde de Turquie, avocat des droits humains, leader du HDP (Parti démocratique des peuples), "
l’un des seuls hommes politiques d’envergure en Turquie, progressiste, féministe, pro-Kurdes, il croit en la liberté, la démocratie et la paix. Principal opposant à Erdogan, Demirtas est incarcéré depuis novembre 2016, au mépris des lois de son pays."
"Que font l’ONU, l’Europe ?"
Egrénant un à un les multiples événements qui auraient du révolter la communauté occidentale - de Kobanè à Alep en passant par Raqqa - elle reconnait que, depuis l'offensive militaire turque dans le nord-est de la Syrie, le 8 octobre dernier, "tenir
devient un verbe problématique, de plus en plus abstrait, vain peut-être, vacillant… je ne sais… Le désastre redouté depuis des années est là devant nous, maintenant, avec son lot de blessés et de morts, de malheur et d’exode, et toute une région, tout un peuple, tout un rêve politique sont en train de disparaître à cause de la folie meurtrière d’un homme, et l’immense ballet diplomatique international semble impuissant, paralysé. Que font l’ONU, l’Europe ?"
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L’opération militaire menée à la frontière turco-syrienne sur ordre d’Erdo?an et qui prend pour cible les Kurdes a sans aucun doute été planifiée depuis longtemps, les responsabilités de Trump et de Poutine ne sont plus un secret. Samedi dernier, l’horreur et la barbarie ont culminé au Rojava : soutenus par Erdo?an, les djihadistes de Daesh ont libéré leur haine en violant, lapidant et exécutant Havrin Khalaf… Son tort aura été d’être femme, démocrate, pacifiste, Kurde. Depuis, les Kurdes sont massacrés en Syrie et, en Turquie, ils sont incarcérés" poursuit-elle.
La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.
S'inquiétant de la surdité et de l'impuissance de la France, dont les Kurdes ont été de fidèles alliés face à Daesch, Emmanuelle Collas partage son effroit face à la catastrophe humanitaire annoncée, au génocide des Kurdes de Syrie, à l'énantissement de Rojava. "
Que peut la littérature elle-même au moment où tombent les bombes ? Je ne peux rien non plus face aux atermoiements des puissances occidentales, prisonnières de chantages économiques, politiques ou migratoires, puissances qui n’ont jamais voulu voir le danger que représentait Erdogan, qui ont soutenu les Kurdes seulement parce qu’ils étaient en première ligne dans la guerre contre Daesh mais qui n’ont jamais défendu le projet démocratique, égalitaire, pluriethnique, féministe, laïque, écologique au Rojava."