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[Les bibliothécaires de l'année 2024] Camille Hubert, la militante (3/5)

Camille Hubert, co-responsable de la bibliothèque municipale de Dinan (Côtes-d’Armor) - Photo Camille Hubert

[Les bibliothécaires de l'année 2024] Camille Hubert, la militante (3/5)

Ils incarnent la diversité et le dynamisme du métier de bibliothécaire. La rédaction a sélectionné cinq professionnels pour lesquels les lecteurs sont invités à voter, jusqu’au 27 septembre. Troisième portrait de la semaine : Camille Hubert, co-responsable de la bibliothèque municipale de Dinan (Côtes-d’Armor), lesbienne engagée sur les questions de neutralité et de service public.

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Par Fanny Guyomard
Créé le 10.09.2024 à 10h00

Elle aurait pu choisir bien d’autres professions, la touche-à-tout Camille Hubert. Mais celle qui a dans sa famille un imprimeur, une discothécaire et une restauratrice de livres anciens a choisi les bibliothèques territoriales. « J’avais envie de m’investir pour le bien commun. M’engager pour le service public. » 

Militante ? Une plus-value pour les bibliothèques

Et elle s’y accroche, à cette vocation. En parallèle de ses études de lettres modernes, Camille Hubert a multiplié les jobs en bibliothèque universitaire puis à celle de la Cité des Sciences et de l’Industrie, et tenté les concours. En 2012, à 27 ans, elle se dit que c’est la cinquième et dernière fois qu’elle tente sa chance. Et décroche le concours de conservatrice des bibliothèques.

S’ensuit une période encore bien productive : elle travaille sur la parole aux réfugiés, les bibliothèques des établissements pénitenciaires… et sur les tensions entre devoir de neutralité du fonctionnaire et leur militantisme qui peut être « une plus-value pour le pluralisme de la bibliothèque », défend-elle dans l’ouvrage Agir pour l’égalité : Questions de genre en bibliothèque, sous la direction de Florence Salanouve.

Devoir de résistance

« Le non-dit derrière [la] mythologie de la neutralité, c'est une injonction à ne pas contredire la pensée dominante, sous prétexte que celle-ci serait "neutre", à ne pas promouvoir d'autres formes de pensée, jugées "non-neutres" », écrit Camille Hubert, qui s’affirme lesbienne et préside pendant un an la commission Légothèque de l’Association des bibliothécaires de France (ABF), dont la mission est de favoriser l’expression des individualités et de lutter contre les stéréotypes.

« Toute action est politique. J'exerce mon travail de la façon qui me semble la plus juste et la plus conforme à mes valeurs, ensuite ce sont les élus qui décident, qui valident ou non les propositions », ajoute-t-elle. Elle complète : « En tant que fonctionnaire, je suis aussi garante de l'application des principes du service public, au-delà des divergences politiques. En tant que fonctionnaires, nous avons un “devoir de résistance” face à des ordres illégaux. »

Sensible à la question de la santé mentale (elle a fait deux burn-out), la Lyonnaise devenue coresponsable de la bibliothèque de Dinan poursuit sa dense mission d’amélioration du service public : extension des horaires, travail avec un collectif pour réfléchir au réaménagement de la médiathèque et améliorer l’accessibilité et l’inclusion, faire participer les publics « mais dans un premier temps les équipes, pour qu’elles soient motrices de cette démarche »… Le tout nourri par son temps libre : « Traîner dans les librairies, cultiver la sororité, écouter des podcasts, prendre du temps pour moi, faire du vélo, dormir, aller à la mer, m’engager, mettre les mains dans la terre », énumère la jeune mère.

Le cœur sur la main

Côté podcasts, elle conseille Folie douce, Le cœur sur la table, Un podcast à soi. Son DVD « fétiche », Je ne suis pas féministe mais, sur Christine Delphy (« même si je ne partage pas toutes ses positions, ce film donne la pêche) ». Les livres : Sauveur et fils de Marie-Aude Murail, Wendy Delorme, Virginie Despentes, Les chroniques de San Franciso d’Armistead Maupin (« il m’a sauvé pendant mon deuxième burn-out »), Le génie lesbien d’Alice Coffin (« sur la supposée "neutralité journalistique" ») et Le livre noir des violences sexuelles de Murielle Salmona. Pour les enfants : Julian est une sirène de Jessica Love (« les illustrations sont magnifiques »). Enfin : La collection Le petit illustré de l’intimité. « D’utilité publique ! À avoir dans toutes les bibliothèques ! »

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