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[Les bibliothécaires de l'année 2024] Daniel Bourrion, le partageur punk (2/5)

Daniel Bourrion, responsable de la transformation numérique de l’Université d’Angers, et écrivain. - Photo Olivier Toussaint

[Les bibliothécaires de l'année 2024] Daniel Bourrion, le partageur punk (2/5)

Ils incarnent la diversité et le dynamisme du métier de bibliothécaire. La rédaction a sélectionné cinq professionnels pour lesquels les lecteurs sont invités à voter, jusqu’au 27 septembre. Deuxième portrait de la semaine : Daniel Bourrion, responsable de la transformation numérique de l’Université d’Angers, et écrivain.

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Par Fanny Guyomard
Créé le 09.09.2024 à 10h00

Il est responsable du service de transformation numérique de l’Université d'Angers, mais continue à se présenter comme conservateur des bibliothèques. « Je pourrais travailler dans une ferme ou à la Nasa, je reste bibliothécaire. Je le sens, mon corps est content dans une bibliothèque, c’est ma maison ! Je voudrais être enterré ici. »

Fromager, pion, écrivain

Sa vie durant, Daniel Bourrion, 57 ans, a été peintre en bâtiment, ouvrier fromager (il le raconte dans Les étés camembert) avant d'œuvrer pendant 14 ans dans l’Éducation nationale en tant que « pion » puis CPE. « J’ai adoré ce boulot, mais au bout d’un moment ça fait une boucle, les conneries des gamins sont toujours les mêmes. Je me suis dit : soit tu vas devenir alcoolique, soit tu vas faire autre chose », sourit-il. 

Lui qui, en cours, regardait par la fenêtre et a tenté trois fois le bac, a décroché du premier coup le concours de conservateur d’État des bibliothèques. « Pour moi, les bibliothèques étaient un paradis sur Terre. Je n’ai jamais été intimidé, bizarrement d’ailleurs », commente ce fils d’un routier et d’une femme au foyer grande lectrice. On lira dans Comment je n’ai pas tué Mitterrand qu’à 14 ans, il a songé à… éliminer le socialiste élu. « C’est une réflexion sur ce qu’un gamin comprend de la politique. Pourquoi les ouvriers votent Giscard, pourquoi ma famille vote à droite ? »

Il a été Robert Smith

En 6e, Daniel Bourrion a un petit cahier et décide d’écrire un roman. Long d’une page. En fait, c’est une reprise de la série américaine SF L’âge de Cristal. En terminale, le spectateur d’Apostrophes s’essaie à la pipe avec ses copains. « Je me disais "ça fait écrivain" », rit celui qui publiera une cinquantaine de textes en revue et une vingtaine de recueils ou « textes longs ».  Dans Légendes, il raconte son rapport particulier à la langue française, lui qui a parlé le platt (du patois germanique) jusqu’à ses trois ans. Dans Sardinia, le globe-trotter part sur la route aux États-Unis, dans un récit aux airs de Kerouac, Faulkner de Voyage au bout de la nuit.

« Je suis né après les trucs rigolos : j’ai raté les Rolling Stones, Les Cure… » Un temps, il s’est pris pour son chanteur-guitariste clownesque Robert Smith, et le raconte dans un roman. « J’aurai tourné la page, celle de ces années où je voulais être lui parce que je ne parvenais même pas à être moi », écrit-il. Quand on lui demande s’il est punk, l’excentrique répond qu’il ne sait pas s’il aurait osé. « Je suis un mec discret dans la vraie vie. » Nous lui trouvons du Modiano, du Proust, du Claude Simon. Il a d’ailleurs rédigé une thèse (non soutenue) sur ce dernier — et les fractales. « C’était une très mauvaise thèse avec du recul : c’était un essai. »

Au service du collectif

L’ex-responsable de la Bibliothèque numérique du service commun de documentation reste bibliothécaire sans l’être : membre du jury national au concours des bibliothèques et soutien technique de l’ADBU pour son site Internet, il « travaille pour qu’on travaille moins », crée des outils pour rendre le travail des 2 000 personnels de l’université plus efficace. En promouvant l’open acces, le participatif, l’horizontalité. « Je crois à la logique de groupe et du commun », résume celui qui a formé les étudiants à Wikipedia et au projet cartographique démocratique OpenStreetMap.

Partager le savoir pour enrichir tout le monde. Tous les textes de son blog sont d’ailleurs en creative commons. « Autant les partager… Je suis bibliothécaire, je suis pour le partage du savoir. »

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