Le 22 décembre 2017, la Cour d’appel de Paris a rendu une décision qui confirme l’intérêt de l’exception de parodie, de pastiche et de caricature, prévue expressément dans le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI).
La veuve et ayant-droit du sculpteur ayant réalisé en 1968 le buste de Marianne, symbolisant la République française sous les traits de Brigitte Bardot, avait assigné en contrefaçon la société éditrice du Point qui l’avait reproduit dans un photomontage de couverture, en illustration d'un article intitulé « Les naufrageurs - La France coule ».
Le Tribunal de grande instance de Paris avait déjà débouté la demanderesse, laquelle avait fait appel. La cour n’est pas plus sensible aux arguments de l’héritière.
Celle-ci plaidait la contrefaçon, car elle n’avait jamais autorisé cette reproduction et cette diffusion de la sculpture, ajoutant qu’il y avait violation de ses droits moraux car le nom de l'artiste n’a pas été mentionné, que la sculpture n’était reproduite que partiellement et qu’elle avait été associée de manière péjorative à des « naufrageurs » et à une France qui « coule ».
Les magistrats commencent par relever que « la Marianne en question est l’une des plus connues par le public et constitue une représentation de la République française ayant vocation à représenter la France que les ayant droits du sculpteur ne sauraient s’approprier ». Ils précisent que « l’oeuvre a été utilisée sous forme d’un photomontage donc d’une oeuvre dérivée, destinée à illustrer des propos journalistique ». Il ne peut donc « être reproché à la société éditrice d’avoir utilisé un symbole à savoir une Marianne pour illustrer sous forme d’une métaphore son propos ».
Plus sérieusement, en droit, la cour rappelle les termes de l'article L. 122-5 du CPI qui définit l'exception de parodie, de pastiche et de caricature.
Celui-ci dispose en effet que « lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire : (...) la parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre ». L’examen de la jurisprudence permet de recenser essentiellement deux « lois du genre » particulièrement draconiennes.
Explicite et subjectif
La parodie se doit en premier lieu d’être exempte de toute intention de nuire. Il s’agit là d’un exercice difficile, si ce n’est absurde, quand le ressort même de ce type d’humour repose sur un certain degré de méchanceté. Tintin en Suisse l’avait par exemple appris à ses dépens il y a déjà quelques années.
Le lecteur doit par surcroît pouvoir identifier la parodie en tant que telle et donc être en mesure de la distinguer instantanément de l’œuvre première. Aucune possibilité de confusion dans l’esprit du public n’est tolérée. Le risque de confusion s’appréciant toujours par rapport à un consommateur moyen, il ne faut donc pas considérer que des différences, grossières aux yeux de professionnels du livre, puissent exclure une condamnation. En quelques vingt années, une poignée de procès retentissants ont mis au pas certains trublions du monde de l’édition. Ils ont appris à leurs dépens que les parodies de best-sellers ou de collections célèbres figurent désormais en bonne place au rang des quelques livres interdits en France chaque année.
Il faut toutefois relever que, le 11 février 2011, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée en faveur de l’exception de parodie et de Gordon Zola qui s’était attaqué lui-aussi à l’oeuvre d’Hergé.
Pour la Marianne, la même cour observe que « le photomontage incriminé a adjoint des éléments propres (un fond bleu, une immersion) et n’a reproduit que partiellement l’oeuvre puisque seule la tête est reproduite de sorte qu’il ne s’ensuit aucune confusion avec l’oeuvre de l’artiste ».
De plus, « le photomontage constitue par ailleurs une oeuvre dérivée, utilisée pour illustrer des propos journalistiques ; si ceux-ci comme le journal en cause ne peuvent être qualifiés de satiriques, il n’empêche que le recours à l’humour et à la parodie leur est permis. Or, la présentation d’un emblème de la République française, immergé tel un naufragé, constitue une illustration humoristique, indépendamment des propos eux-mêmes et de leur sérieux ».
Les juges observent enfin que la reproduction litigieuse a été « ponctuelle, limitée à un seul numéro magazine, aujourd’hui écoulé de sorte qu’il ne saurait être argué d’une exploitation contraire à un usage normal de l’oeuvre, ni aux intérêts légitimes de son auteur et de son ayant droit ».
Ce dernier considérant n’est guère pertinent, sans toutefois tien enlever à la validité du raisonnement appliquant au bénéfice de l’éditeur l’exception au droit d’auteur.