"Sous terre, dans le noir, ils sont seuls. Leurs longues oreilles bougent. Ils se figent. Ecoutent. Il a le poil blanc, elle a la fourrure fauve du lièvre." Deux lapins s’aiment d’amour tendre et nuit et jour creusent un tunnel. La lumière n’y pénètre pas, mais chacun sent la présence de l’autre et la chaleur de son corps. Ils ne s’accordent que de brèves pauses à la surface pour s’étourdir dans l’herbe verte. "Elle trouve que c’est le plus beau moment de la journée quand ils se font la toilette. Ensemble." Illico ils se remettent à leur dur labeur souterrain. Ils dialoguent, méditent sur les atouts des lièvres ou encore se souviennent du danger imminent qui les avait la dernière fois fait sortir précipitamment.

Un jour la lapine demande : "Et pourquoi ne traverserait-on pas la route ? - Tu as oublié le chat ?" rétorque aussitôt son compagnon. Ce chat s’était risqué sur le macadam et en avait payé le prix fort ! A la fin seulement on comprend que les deux amoureux s’échinent ainsi à creuser sans relâche pour échapper au danger mortel au-dessus d’eux : une route pleine de voitures.

Une histoire en apparence toute simple mais qui entraîne le petit lecteur plus loin que prévu, dans une fable philosophique et poétique sur la vie, la mort et l’amour. La force des textes et des dialogues est rehaussée par une illustration extraordinaire, à la fois dépouillée et puissante, aux couleurs délicates. L’album grave pour longtemps sa sagesse et sa légère mélancolie dans nos yeux et dans nos mémoires. La Norvège serait-elle en passe de devenir le vivier des perles des livres pour enfants ? Fabienne Jacob