SUISSE

Appelés aux urnes le 11 mars dernier, les Suisses ont rejeté la proposition de loi sur le prix unique du livre.- Photo OLIVIER DION

Les Suisses romands étaient intensément pour, leurs voisins alémaniques étaient mollement contre, mais comme ils sont plus nombreux, leur opposition indifférente a eu raison de la loi sur le prix du livre, lors de la votation du 11 mars dernier. Par 1 233 867 voix contre 966 572 (avec une participation de 44,9 %), le peuple suisse a mis fin à près d'une dizaine d'années de discussions, dont huit au Parlement. "C'est inouï de penser que nous avions franchi toutes ces étapes, et que finalement la Migros organise ce référendum et arrive à ce résultat", se désole Françoise Berclaz, responsable de La Liseuse à Sion et présidente de la branche Librairie de l'Association suisse des éditeurs, diffuseurs et libraires (Asdel). Mais au moins, ces six semaines de multiples débats ont amené des clients chez les libraires, qui en ont profité pour vendre quelques livres pendant une période habituellement creuse.

Bien obligés de s'accommoder des aléas de la vie démocratique du pays (1), les professionnels du livre cherchent maintenant d'autres solutions que la réglementation pour préserver la diversité de la création nationale et l'avenir de leur filière. Le principal problème à résoudre concerne le niveau du prix des livres, plus aigu en Suisse romande qu'en Suisse alémanique, et qui conduit de nombreux clients à s'approvisionner dans les librairies frontalières ou sur Internet. La Commission de la concurrence, à l'origine du démantèlement des anciens accords interprofessionnels sur les prix, reprend immédiatement son enquête sur les filiales suisses des diffuseurs français, soupçonnés d'abus de position dominante, comme l'a annoncé son président le jour de la votation. La procédure avait été suspendue pour ne pas interférer dans le débat politique. Ses conclusions devraient être communiquées dans le courant de l'été, ou à l'automne.

Elles décideront en partie du sort du projet de contournement de ces filiales, évoqué aussi depuis longtemps et relancé par le directeur général de Payot, Pascal Vandenberghe, en décembre dernier. Si les diffuseurs sont fermement invités - voire obligés - à baisser cette fameuse tabelle qui renchérit les prix de 30 à 40 %, la question du surcoût du livre en Suisse pourrait être réglée. Les groupes français n'auront plus forcément intérêt à maintenir l'organisation actuelle et ils pourraient considérer à leur tour l'éventualité d'un approvisionnement direct, dont la réponse leur appartient en dernier ressort. Favorisée par la force du franc suisse, cette solution permettrait aussi de récupérer une marge supplémentaire compensant celle qui serait perdue en raison de la baisse des prix. Elle divise néanmoins les libraires indépendants, satisfaits du service fourni par les diffuseurs et les distributeurs, et craignant une perturbation des flux logistiques.

(1) Voir LH 899 du 2.3.2012, p. 14-17.

04.02 2015

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