Il y a eu James Ellroy, il y a eu Dennis Lehane, il y a Don Winslow. Au chapitre des parrains du roman noir (très noir) américain, c'est l'auteur de La griffe du chien (Fayard, 2 007), de Dernier verre à Manhattan ou de Cartel (Seuil, 2013 et 2016), le boss désormais, le nouveau « capo dei capi ». D'ailleurs, Ellroy lui-même ou Stephen King ne s'y sont pas trompés, l'adoubant parmi ses pairs ; non plus que Hollywood puisque après Oliver Stone adaptant Savages (Masque, 2011), après Ridley Scott pour Cartel, c'est au tour de James Mangold de se lancer dans l'adaptation de son dernier et monumental roman, Corruption pour ce qui s'annonce comme l'un des « blockbusters » de l'année prochaine.
C'est ce Corruption, quintessence de l'art romanesque de Don Winslow, publié cette fois-ci chez HarperCollins, servi par une traduction impeccable de Jean Esch, qui parvient enfin aux lecteurs français. Il s'y attachera aux aventures, mésaventures, errances, espoirs, illusions vite perdues, d'une bande de flics new-yorkais réunis autour du plus charismatique d'entre eux, Denny Malone, au sein d'une unité d'élite de la police de Big Apple, « la Force ». Le code de procédure pénale ne semble pas être le point fort de cette unité, mais plutôt, puisque nécessité fait loi, son efficacité à lutter sans complexe contre le crime organisé et, singulièrement, le trafic de drogue qui innervent la gigantesque économie souterraine de la ville. Malone et ses hommes s'y attellent sans nourrir trop d'illusions sur leur capacité à faire autre chose que de remporter au quotidien de petites victoires. D'ailleurs, dès les premières pages de ce livre torrentiel, brutal et fascinant, le lecteur découvre un Malone déchu. C'est le récit de sa chute et de ses conséquences qui forme la trame presque opératique du roman. Le lecteur, pour peu qu'il soit familier des films de Scorsese ou de certains livres de Richard Price ou de Lehane, sera en terrain conquis. Toutefois, il ne pourra qu'être emporté par la noirceur et le lyrisme sourd d'un Don Winslow, plus que jamais à la fois chroniqueur désenchanté et maître des illusions.
Corruption - Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean Esch
HarperCollins
Tirage: 50 000 ex.
Prix: 22,90 euros ; 576 p.
ISBN: 9791033901891