Monde à l'envers. Le village de montagne d'Otto est situé au bout du bout du monde. Presque personne ne passe jamais par là. Un beau jour, le cirque itinérant D'érêves déboule sur la place du village dans un grand roulement de cailloux. Le soir même, Otto est ébloui par les lumières et les artistes, mais le clou du spectacle se fait attendre. On annonce dans une cage un monstre incroyable, survivant d'un peuple primitif. Une bête terrifiante. Quand le rideau se lève enfin sur le monstre précédé d'une réputation à pâlir d'effroi, le lecteur est abasourdi : il découvre en fait derrière les barreaux un enfant humain qui se met à chanter d'une voix toute douce. « Jamais, à part dans les cauchemars, on n'avait vu un corps si grotesque. Ni cornes, ni queue. Ni dents pointues, ni pieds fourchus. » Le roman habilement construit abat alors ses cartes : Otto dont on n'avait jamais vu le visage est en fait le véritable monstre. Son corps, comme celui des autres habitants du village, est recouvert de poils. Entre les deux enfants se noue une amitié indéfectible qui changera leur vision du monde. Ce roman illustré va puiser dans les racines sombres des rêves pour en remonter une lumière humaniste. On est toujours le monstre de quelqu'un, telle est la leçon. Les illustrations noires de Nicolas Zouliamis sont saisissantes d'expressivité. La planche du gros plan du visage de l'enfant humain la bouche arrondie par le chant est prodigieuse comme celle des gradins du cirque envahis par un public de monstres. Superbe !