Maurice G. Dantec est mort le 25 juin 2016 à Montréal, où il avait élu résidence depuis près de vingt ans. Vive Maurice G. Dantec? Il est permis de penser que son départ, à l’âge de 57 ans, ayant éteint le vacarme et les polémiques qui l’accompagnaient depuis trop longtemps, l’heure est venue, sinon de la postérité, au moins d’un examen serein et lucide de la place que ce banlieusard surdoué et hâbleur, lyrique et prolixe à l’excès, occupe dans notre paysage littéraire contemporain. A-t-on oublié qu’en deux livres inauguraux, fulgurants de beauté, La sirène rouge et Les racines du mal (Gallimard, 1993 et 1995), Dantec a redessiné la cartographie du genre entre noir et anticipation et s’est imposé comme le vrai chef de file d’une génération décomplexée comptant aussi en ses rangs Virginie Despentes ou Michel Houellebecq? C’est le premier mérite de l’épatante biographie que lui consacre le journaliste Hubert Artus, à la fois très documentée, "compassionnelle" mais jamais complaisante, que de le rappeler. Maurice Dantec en sort tel qu’en lui-même: complexé, paranoïaque, fragile, incapable de juguler ses démons intérieurs, "grand brûlé" de la littérature. Définissant le romancier, mais aussi le rocker, publicitaire, activiste, comme "un homme qui aime être en pleine lumière, mais de profil", moins dévoué à l’action qu’à l’insurrection, Artus l’accompagne sur les chemins de ce qui s’avérera être sa perte. Mal conseillé, mal aimé, Dantec, dès l’aube de ce siècle, ira de Charybde en Scylla, d’un mysticisme mal digéré au compagnonnage avec les pires causes identitaires. Dès lors, l’écrivain en lui s’était-il absenté? Pas tout à fait, pas plus que l’enfant perdu qu’il était demeuré. O. M.