Dans un entretien lors d’un « junket » début juillet organisé par Arte, Michel Houellebecq se souvient, « sous toute réserve », qu’il « avait accepté le film de Delépine et Kervern avant celui de Nicloux ».
Ceux qui apprécient l’humour pince sans rire et la vision nihiliste de l’auteur ne seront pas déçus : la vacuité de la société moderne, l’impasse de l’évolution humaine, ou encore cette complaisance dans l’ennui font un lien étonnant entre ces deux films très distincts formellement.
Mais les deux œuvres ont d'autres traits communs: les cinéastes transforment Houellebecq en porte-parole d’une vision du monde très « houellebecquienne ». Guillaume Nicloux filme un portrait de l’écrivain sous forme de documentaire dans un environnement fictif à partir d’un fait divers réel : une rumeur avait parcouru les médias sur un possible kidnapping de l’auteur. A partir de ce mensonge médiatique, Houellebecq est plongé dans un polar dans un décor à la Depardon.
Houellebecq, qui ne s’aime pas (« J’ai 56 ans et je suis obsolète », lui fait-on dire dans Near Death Experience), s’exerce ainsi à l’exercice narcissique du jeu.
Guillaume Nicloux, qui avait présenté son film au dernier Festival de Berlin, avoue qu’il voulait « découvrir une facette de Michel Houellebecq que le spectateur connaissait moins ». Le comédien précise qu’il y a des « choses qui sont proches de [son] réel, notamment au début ». Mais il n’écoute pas de musique quand il écrit, contrairement à ce qui est filmé.
La même intention de sincérité à l’égard du personnage que représente l’écrivain traverse le film de Delépine et Kerven, qui réussissent à le rendre aimable et touchant.
Lors de la conférence, Michel Houellebecq a confié qu’il avait « l’impression très nette que ce qui est à nu ce n’est pas tellement » lui mais sa « fonction » d’écrivain. « Ecrivain, c’est un métier qui intrigue » ajoute-t-il. Dans les deux films, l’auteur de La carte et le territoire, prix Goncourt 2010, reste lui-même, même si les « situations ne font pas partie de [son] vécu ».
Ancien étudiant de cinéma, l’écrivain n’avait jamais été acteur. « J’avais tenté de faire un film. Être acteur m’a permis de diminuer mon incompréhension. »
Ironiquement, ces deux Ovnis cinématographiques se terminent dans une voiture. Dans Near Death Experience, c’est l’instrument de la mort. Dans L’enlèvement de Michel Houellebecq, c’est celui de la liberté. Guillaume Nicloux avait demandé à l’écrivain ce qu’il n’avait jamais fait de sa vie et qu’il souhaiterait faire dans un film. Il a répondu : « rouler à 300 kilomètres/heure ». Avant de tourner la scène, il a rédigé son testament : « Je ne suis pas mécontent de ma vie. Si ça doit s’arrêter demain, ça me va ».
Pour l’instant, il rédige son prochain roman.