On ne sait pas son nom, mais il est inoubliable. Le détective cinglé et clochard céleste cher à Eduardo Mendoza dans ses deux premiers livres, Le mystère de la crypte ensorcelée et Le labyrinthe aux olives (Seuil, 1982 et 1985). Le revoici pour son dernier, Les égarements de mademoiselle Baxter ; une façon peut-être de boucler la boucle romanesque et de revenir, pour le romancier barcelonais, comme l’assassin sur les lieux du crime, vers son cher sujet et son tendre tourment : sa ville natale, ses ombres, ses énigmes et la permanence du mal.
Soit donc, un chien. Ou plutôt deux. Mordu dans un jardin public de Barcelone par un canidé, le détective se souvient d’une autre morsure, trente ans auparavant. De comment il fut alors mis en cause dans l’assassinat d’un mannequin, de comment avec l’aide d’un travesti, Madame Westinghouse, il s’en défendit et parvint à confondre le vrai coupable. Mais aujourd’hui, dans cette Espagne et cette ville faussement apaisées, il n’est plus sûr de rien. Il a fallu que tout change pour que rien ne change et que Barcelone reste cette ville baroque, noire, gangrenée par la corruption, cette cour des miracles miraculeusement belle.
Le récit de genre chez Eduardo Mendoza, fantastique ou thriller, n’est jamais qu’une façon romanesque "d’éditorialiser" la société. C’est encore le cas dans ce roman, qui se donne des allures de "pulp" pour faire oublier sa gravité, sa tendresse navrée. Olivier Mony